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Expulsion : face à des squatteurs, quels sont les droits des propriétaires?

La procédure d'expulsion de squatteurs est particulièrement complexe

La procédure d'expulsion de squatteurs est particulièrement complexe - Pixabay / Sweetlouise

Les expulsions de squatteurs sont très encadrées par la loi. Ce qui donne parfois lieu à des situations kafkaïennes pour les propriétaires. Retour sur ce que dit le droit en la matière.

Un couple de Lyonnais vit une situation kafkaïenne. Fin août, il a voulu se rendre dans sa maison de vacances de Théoule-sur-mer. Maison dont Henri et sa femme sont propriétaires depuis 36 ans. Mais en arrivant, ils ont constaté que leur demeure était squattée par un couple et leurs deux enfants, raconte Var-Matin. Les squatteurs ont pris soin de changer les serrures. Quand les propriétaires ont exigé de récupérer leur bien, les squatteurs auraient répondu avoir récupéré les clefs, sans préciser auprès de qui, car ils n'avaient plus de domicile. Les gendarmes, qui devaient les déloger, ont par la suite reçu ordre d'attendre une décision de justice.

Des situations de ce genre, si elles restent rares, angoissent chaque propriétaire. Ces dernières années, il y a eu plusieurs affaires médiatisées, comme le squat pendant 9 mois d'une maison reçue en héritage à Rennes en 2019 ou celle d'une octogénaire privée de domicile en 2013. Retour sur ce que dit le droit en la matière et les droits des propriétaires et des locataires.

Qu'est-ce qu'un squatteur aux yeux de la loi?

Un "squatteur" est une personne qui entre dans le domicile d'autrui "sans droit ni titre" à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. L'article 226-4 du Code pénal précise ainsi que "l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines".

Autrement dit, un locataire ne payant plus son loyer ne sera pas considéré comme un squatteur aux yeux de la loi car il est entré dans les lieux avec l'accord du propriétaire via un bail. De même, une personne hébergée (gracieusement ou non) de façon temporaire et qui refuse de s'en aller ne sera pas considérée comme un squatteur.

Dans l'affaire du couple de Lyonnais, Maître Rossi-Landi, avocat spécialisé dans les questions d'expulsion, précise à BFM Immo que dans le cas présent, "seul le juge, qui connait le dossier, pourra déterminer s'il s'agit de squatteurs". Les seules informations dont nous disposons à présent est que le couple et les deux enfants auraient réussi à récupérer les clefs de la maison de vacances car ils n'avaient plus de logement. Il n'est pas précisé comment ils ont récupéré les clefs. "Rien ne prouve qu'ils ne possèdent pas de titre de séjour", ajoute-t-il.

Domicile, résidence secondaire, résidence principale... Quelle différence?

Comme l'explique l'article 102 du Code civil, "le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement". Par ailleurs, chaque individu ne peut avoir qu'un seul domicile. Il s'agit donc du logement où un ménage réside en permanence. Cela correspond dans le langage courant à la notion de résidence principale.

Autrement dit, une résidence secondaire n'est pas concernée par l'article 226-4 du Code pénal pénalisant les squats. De même, la protection du domicile ne s'appliquera pas à un local vacant (par exemple un local commercial).

Maître Rossi-Landi nous explique ainsi que dans le cas des Lyonnais privés de résidence secondaire, le couple de retraités n'est pas protégé par le délit de violation de domicile prévue à l'article 226-4 du Code pénal car la maison squattée est leur résidence secondaire. Ils ne peuvent donc pas demander directement à la gendarmerie d'intervenir. Le couple sera donc obligé de passer par une procédure d'expulsion classique en prenant un avocat qui saisira un juge et il devra notamment prouver que le logement lui appartient.

Quelle procédure suivre s'il s'agit du domicile?

Lorsqu'il s'agit du domicile, la loi protège davantage le propriétaire ou le locataire du bien concerné. Il existe dans ce cas une procédure accélérée, sans passer par un juge. Le propriétaire ou le locataire victime de squat doit porter plainte pour violation de domicile au commissariat de police ou à la gendarmerie. Il doit prouver que le logement en question est son domicile (par exemple avec ses avis d'imposition et sa facture d'électricité) et "faire constater à un officier de police judiciaire que le logement est squatté", comme le précise le site service-public ici.

Il faut ensuite faire une demande au préfet de mettre en demeure les squatteurs, qui ont alors au minimum 24 heures pour quitter le logement. "En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire", explique en effet l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.

"La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire", détaille le texte.

Enfin, "lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure".

A noter que, toujours dans le cas où il s'agit du domicile, la trêve hivernale ne s'applique pas, comme l'a précisé très clairement la loi Elan. La trêve hivernale, qui empêche toute expulsion du 1er novembre au 31 mars de chaque année, "ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voies de fait", précise ainsi l'article L412-6 du Code des procédures civiles d'exécution.

Si cette procédure accélérée échoue, le propriétaire ou le locataire devra passer par la procédure judiciaire classique (voir ci-dessous), qui peut prendre plusieurs années.

Quelle procédure suivre s'il ne s'agit pas du domicile?

Dans tous les autres cas que la procédure accélérée pour violation de domicile (voir ci-dessus), c'est la procédure d'expulsion classique qui s'applique. Cette procédure judiciaire est détaillée par les articles L411-1 et L412-1 (et suivants) du Code des procédures civiles d'exécution.

Il faudra saisir le tribunal judiciaire dont dépend le logement, prouver que le logement est bien le sien et qu'il est squatté (via un constat d'huissier de justice). Extrêmement complexe à mettre en œuvre, cette procédure peut prendre jusqu'à deux ans.

On notera que s'il ne s'agit pas du domicile, la trêve hivernale s'applique par défaut aux squatteurs. En revanche, un "juge peut supprimer ou réduire le bénéfice" de la trêve hivernale "lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile" et que cette introduction s'est faite "sans droit ni titre" et "par voies de fait", comme le souligne l'article L412-6 du Code des procédures civiles d'exécution. Autrement dit, seul un juge peut dans ce cas décider de ne pas respecter la trêve hivernale mais que rien ne l'y oblige.

Le délai de 48h pour expulser rapidement un squatteur existe-t-il vraiment?

Lorsqu’une maison ou un appartement est occupé par des squatteurs, il est coutume de penser qu’il faut agir dans les 48 heures si on ne veut pas entrer dans l’enfer des procédures judiciaires. Pourtant, il n'existe pas de texte de loi qui évoque ce fameux délai. En réalité, les durées sont différentes en fonction des juridictions.

Que risque un squatteur?

Comme indiqué ci-dessus, selon l'article 226-4 du code pénal, "l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines".

Que risque un propriétaire qui procède lui-même à l'expulsion d'un squatteur?

Selon l'article 226-4-2 du Code pénal, "le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu'il habite sans avoir obtenu le concours de l'Etat dans les conditions prévues à l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende".

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