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Immobilier : des députés veulent ponctionner 5% du prix de vente pour rénover les logements

"Passoires thermiques": les députés prévoient une expérimentation sur les ventes

"Passoires thermiques": les députés prévoient une expérimentation sur les ventes - Fred Dufour - AFP

Lorsqu'un logement mal isolé est vendu, 5% du produit total de la vente serait mis sous séquestre. Cette somme serait ensuite débloquée si l'acquéreur réalise des travaux.

Si elle se met effectivement en place, c'est une expérimentation qui ne risque pas de passer inaperçue auprès des vendeurs et des acheteurs d'un bien immobilier. Dans le cadre de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, la Commission des affaires économiques a adopté une série d'amendements. L'un d'entre eux (l'amendement N°CE655), déposé par le député (LREM) Anthony Cellier, qui est également rapporteur du texte, prévoit que lors de la vente d'un logement "passoire thermique", il y ait une forme de consignation d'une partie de la transaction pour financer des travaux de rénovation énergétique.

Ainsi, en cas de vente d'un logement trop gourmand en énergie et donc mal isolé, "une part du produit de vente est mise sous séquestre". Cette somme ne pourra excéder 5% du produit total de la vente. L'idée est d'inciter l'acquéreur à réaliser des travaux de rénovation énergétique en prévoyant que la somme sera débloquée pour les travaux.

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"À titre expérimental, pour une durée de deux ans, en cas de vente d’un bien immobilier situé dans une zone définie à l’article 232 du code général des impôts et dont le niveau de performance énergétique correspond à une consommation supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par an et par mètre carré pour une utilisation standardisée au sens du diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 du présent code, une part du produit de vente est mise sous séquestre. Cette part correspond au coût des travaux nécessaires pour atteindre un niveau de performance énergétique correspondant à une consommation inférieure à 331 kilowattheures d’énergie primaire par an et par mètre carré", précise le texte. "Cette part ne peut excéder 5 % du produit total de la vente. Cette somme est débloquée au profit de l’acquéreur ou d’une entreprise choisie par lui pour mener lesdits travaux", détaille-t-il également.

Près de 19% de ponction sur le prix de vente

Seuls seraient donc concernés les logements situés en zones tendues (dans la pratique, il s'agit des villes citées dans ce décret de 2013), comme Paris, Bordeaux, Lyon, Lille, Marseille, Strasbourg ou encore Toulouse. Par ailleurs, les passoires thermiques correspondent aux logements classés F et G par le DPE (diagnostic de performance énergétique). En France, près de 13% des logements sont classés F et G, selon une étude de Guy Hoquet datant de 2017.

Les députés ont précisé via des sous-amendements que cela se ferait à titre expérimental à partir de 2021, alors que certains élus ont exprimé des doutes sur la faisabilité de la mesure. Effectivement, il paraît bien compliqué d'appliquer le texte, d'autant que la fiabilité des DPE n'est pas toujours évidente. En outre, pour le vendeur, ce prélèvement de 5% s'ajouterait aux droits de mutation (entre 8 et 9% selon la localisation du bien) et aux autres frais (notamment les frais d'agences). Comme le soulignait un rapport du Conseil des prélèvement obligatoires de 2018, "lors d’une vente immobilière, les coûts de transaction totaux (DMTO et autres frais, y compris à la charge du vendeur) sont de 14 % en France, soit les plus élevés de l’OCDE après la Belgique". Avec cette nouvelle ponction, nous serions ainsi proche de 19% de prélèvements sur le prix d'une transaction au total.

Agacement des propriétaires et des agents immobiliers

Les modalités d'application de cet amendement ne sont pas encore toutes connues. Un décret les fixera. Mais selon Pierre Hautus, directeur de l'UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers), l'idée serait que si l'acheteur ne réalise pas les travaux dans les trois ans, l'argent consigné sera conservé par l'État. Et il ajoute : "Si les travaux en question nécessitent un accord de la copropriété, ce délai de trois ans risque d'être trop court. C'est une taxe un point c'est tout".

La Fnaim, première organisation d'agents immobiliers en France, a fait savoir sur Twitter qu'elle "s'opposera fermement à toute confiscation d'une partie du prix de vente d'un bien #immobilier sous prétexte de son mauvais classement énergétique".

On rappellera toutefois que le projet de loi n'est encore qu'en première lecture. Il doit être adopté par l'Assemblée, puis par le Sénat, avec plusieurs allers-retours possibles. D'ici là, cet amendement pourrait avoir été modifié ou disparaître.

Révision des loyers liée à la performance énergétique

Par ailleurs, d'autres amendements ont précisé les critères de définition d'un logement décent en matière de performance énergétique. Le gouvernement a aussi prévu de conditionner la révision du loyer, en cas de travaux, à l'atteinte d'un certain niveau de performance, et prévu un audit énergétique pour les logements très énergivores en cas de vente ou location, qui sera annexé au diagnostic de performance énergétique.

Des amendements portés par des élus de divers bords pour interdire la location des "passoires thermiques" ont en revanche été rejetés. L'ex-"marcheur" Matthieu Orphelin, qui portait un tel amendement a rappelé dans un communiqué que l'interdiction était "un engagement porté par Emmanuel Macron dans la campagne présidentielle". Sur ce sujet "principal" de la rénovation énergétique, "les principales avancées ont malheureusement été repoussées", a-t-il déploré.

Avec AFP

Diane Lacaze