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Fiscalité immobilier

Logement : Une nouvelle niche fiscale sur la sellette

La suppression de la niche rapporterait 700M€ par an à l'Etat

La suppression de la niche rapporterait 700M€ par an à l'Etat - dr

Nicolas Sarkozy propose de supprimer la déductibilité des dépenses de gros travaux en revenus fonciers. La mesure inquiète les propriétaires.

Chasse aux niches fiscales, suite. Lors de la présentation de son programme présidentiel, jeudi, Nicolas Sarkozy a proposé la réduction, voire la suppression de plusieurs avantages fiscaux. Sur la sellette notamment, l’exonération des dépenses engagées par les propriétaires bailleurs pour réaliser de gros travaux dans le bien qu’ils louent. Dans l’exposé de ses « propositions pour une France forte », le candidat de l’UMP estime que la « la pertinence de [cette] niche n’est vraiment pas démontrée », les travaux réalisés « se répercut[a]nt dans le prix des loyers ».

La déductibilité ne serait donc maintenue que pour les dépenses liées à l’accessibilité des personnes handicapées ou au désamiantage, ce qui permettrait à l’Etat de réaliser un gain de 700 millions d’euros par an, sur un total de 1 milliard d’euros d’économies visé dans le cadre des nouvelles réductions de niches fiscales.

Rénover plus pour louer mieux ?

La perspective promet de faire grincer quelques dents du côté des propriétaires… Présentée le mois dernier, la dernière édition de l’observatoire Clameur* traduit une progression de l’effort d’amélioration et d’entretien consenti par les propriétaires bailleurs : dans un marché locatif difficile, 37,2 % des logements anciens reloués en janvier et février 2012 l’ont été après réalisation de travaux ayant permis dans la plupart des cas une remise aux normes techniques du bien. Pour mémoire, cette part était de 35,2 % en 2011 et d’à peine 18,1 % en 2006. Mais si, en moyenne, le loyer perçu par ces propriétaires est effectivement plus important une fois ces travaux réalisés (+1,9 % en moyenne en 2011), le lien n’est pas aussi mécanique que semble le penser Nicolas Sarkozy.

Lors de la présentation de l’observatoire, son auteur, le professeur d’économie Michel Mouillart, avait insisté sur le fait que « la réalisation de travaux n’est pas nécessairement un investissement avec retour rapide ». Non seulement parce que le différentiel de loyer entre deux locataires est fonction de différents facteurs propres au bien rénové sans lien avec la nature des travaux entrepris (ancienneté, temps d’occupation par l’ancien locataire....), mais aussi – et surtout - parce que sur certains marchés fragiles, où il n’y a pas de pénurie de logement, un bien, même rénové, ne se loue pas toujours. « Il est faux de dire qu’il existe un lien direct entre réalisation de travaux et niveau de loyer, explique aujourd’hui l’économiste à LaVieImmo.com. Schématiquement, on peut estimer que c’est le cas à Paris et dans les grandes agglomérations, mais certainement pas dans les villes petites et moyennes, au marché locatif souvent très fragiles ».

Des propriétaires « dans l'impasse »

En marge de la présentation de Clameur, Jean Perrin, le président de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) et ancien président de l’observatoire Clameur, avait à ce propos évoqué la situation de certains petits propriétaires de province qui « n’ont pas d’autre choix que de faire réaliser des travaux, souvent importants », mais se retrouvent dans l’incapacité de les financer dans un contexte de « vacance locative [qui] progresse », de « taxes foncières [qui] augmentent régulièrement » et de « loyers, souvent très bas, [qui] progressent faiblement quand ils ne régressent pas… ».

La suppression de l’exonération d’impôt sur les gros travaux de rénovation fait aujourd’hui craindre une aggravation de la situation de ces petits propriétaires, voire une détérioration de la qualité du parc locatif.

*Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux

Emmanuel Salbayre