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Fiscalité immobilier

Macron veut repenser les impôts sur les plus-values et les moins-values immobilières

Emmanuel Macron, lors d'un débat avec des habitants de Bourg-de-Péage (24 janvier 2019)

Emmanuel Macron, lors d'un débat avec des habitants de Bourg-de-Péage (24 janvier 2019) - AFP

Le président de la République estime que les plus-values générées lors d’une vente doivent permettre de davantage financer les infrastructures. En revanche, lorsqu’un bien est revendu moins cher qu’il n’a été acheté, il serait légitime, selon lui, qu’un système de compensation soit mis en place.

Le logement, son poids dans le budget et la fiscalité sur l'immobilier ont été largement évoqués à l'occasion du débat jeudi soir entre des habitants de Bourg-de-Péage et leur invité surprise Emmanuel Macron. Après avoir indiqué que plus personne ne paiera la taxe d'habitation, le président de la République en a profité pour ouvrir la voie à une réforme surprise : celle de l'imposition des plus-values immobilières et même… une éventuelle prise en compte des moins-values sur la pierre.

Vers 19h30 jeudi, un intervenant évoque ainsi le poids très important du logement dans le budget des ménages. Il appelle le président à réguler les plus-values, tout en soulignant que les moins-values sont aussi parfois un problème pour les gens qui habitent dans certains territoires où les prix baissent.

En réponse, Emmanuel Macron évoque la flambée des prix de l'immobilier dans les villes où des lignes TGV se sont développées. Les propriétaires qui n'ont "pas travaillé pour ça" ont alors la possibilité de réaliser d'importantes plus-values et bénéficient d'un "effet d'aubaine" (passage à partir de 1h21 sur cette vidéo du débat). "Et ce n’est pas taxé", a estimé le chef de l'Etat. Avant d'ajouter : "permettre parfois aux collectivités de répondre à ça, moi j’y suis plutôt favorable".

Un moyen de financer les lignes TGV ?

Le président de la République indique alors avoir eu des discussions à ce sujet avec des élus qui souhaitent voir passer sur leur territoire une ligne TGV. Or, certaines lignes ont beaucoup de mal à se financer, comme par exemple celle qui doit relier Bordeaux à Toulouse. Emmanuel Macron explique que des élus lui ont assuré : "si vous nous autorisez à taxer les plus-values immobilières, on les remettra là-dedans". "Bonne mesure. Parce que Bordeaux, il y a eu beaucoup de plus-values immobilières lorsque le TGV est arrivé, je peux vous dire. Et elles n’ont pas été taxées. C’est une mesure pragmatique qui est très bonne", affirme Emmanuel Macron.

Contactés par BFM Lavieimmo, l'Association des maires de France (AMF) et Régions de France nous assurent n'avoir jamais eu vent d'une telle proposition.

On précisera ici que les plus-values immobilières (la différence entre le prix de vente d'un bien et son prix à l'achat) ont bien été taxées à Bordeaux au cours des dernières années mais que le système fiscal français est sur ce point très favorable aux résidences principales. Celles-ci sont en effet exonérées d'impôt sur les plus-values. Des exonérations qui s'appliquent également pour certains biens cédés ou en fonction de la qualité de l'acquéreur ou du vendeur. Reste que d'une manière générale, seules les plus-values sur les résidences secondaires sont taxées.

Les plus-values immobilières sont imposées au titre de l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19%, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux (17,2%), soit en tout 36,2%. Mais rares sont les ménages qui s'acquittent de ce taux maximal car il existe un abattement sur le montant de cette plus-value imposable en fonction de la durée de détention, avec une exonération totale au-delà de la 22e année pour l'impôt sur le revenu et au bout de 30 ans pour les prélèvements sociaux. Un système relativement complexe donc qui a permis au fisc de récupérer 1,384 milliard d'euros en 2017 (+5,6% sur un an), selon les derniers Comptes du logement. Une goutte d'eau par rapport à l'ensemble des prélèvements sur la pierre (74,432 milliards d'euros en 2017), sachant que les aides au logement ont pesé 41,9 milliards d'euros la même année. Ce qui représente des recettes nettes liées au logement de 32,5 milliards d'euros pour les finances publiques.

Moins-values : "un peu de mutualisation"

Emmanuel Macron n'a pas précisé au cours du débat comment pourraient être imposées les plus-values pour financer les infrastructures. En revanche, le Président a évoqué le cas des Français qui, à l’inverse, se trouvent piégés par la baisse de la valeur de leur logement. S’ils veulent revendre, ils réalisent alors des moins-values. Car dans de nombreux territoires ruraux, les prix ont chuté ces dernières années et certains ménages ont du mal à vendre même s'ils acceptent de déménager pour retrouver un emploi par exemple. "On est en train d'y réfléchir, on a beaucoup travaillé avec le gouvernement" sur le sujet, assure-t-il. "Là il faut qu’on arrive à trouver un mécanisme où on fait un peu de la mutualisation quand même", explique Emmanuel Macron, sans donner plus de détails. En l'état, le dossier paraît extrêmement complexe du point de vue juridique ou fiscal. Personne n'était disponible du côté de Bercy ni de l'Elysée dans l'immédiat pour répondre à nos questions et nous donner des précisions. Tout cela reste donc pour le moment assez flou.

Avant de conclure son intervention sur l'immobilier, le président de la République a toutefois tenu à souligner que sa priorité, c'était de savoir "comment on produit plus de logements" plutôt que de réorganiser le système fiscal.

Jean Louis Dell'Oro