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Fiscalité immobilier

"Peut-on se passer du prêt à taux zéro dans l'ancien ?"

Philippe Taboret (Cafpi) et François Gagnon (ERA France)

Philippe Taboret (Cafpi) et François Gagnon (ERA France) - dr

Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier en crédit, Cafpi et François Gagnon, président du réseau immobilier ERA pour la France et l'Europe, cosignent une tribune en faveur d'un retour d'un PTZ dans l'ancien.

Le projet de loi de finances initiale pour 2013 est dans les mains des parlementaires. On s'attendait à un texte d'austérité et l'on n'a pas été déçu. Le secteur du logement n'a pas été épargné par la cure d'amaigrissement, avec des impôts majorés et des avantages rognés. S'il n'est pas anormal qu'il contribue à l'effort pour le redressement des finances publiques, il est sans doute le secteur le plus prometteur en termes de croissance : en 2009, le logement a été à l'origine d'un demi-point de croissance. On avait aussi enregistré cette contribution à la relance en 1993 ou encore en 1997. En somme, le dilemme du gouvernement et du parlement consiste à emprunter la voie étroite entre économie et soutien à l'activité.

Dans ce contexte, le marché des logements anciens peut-il se passer du prêt à taux zéro pour les primo-accédants ? Le gouvernement de Monsieur Fillon, après avoir élargi l'aide du neuf à l'ancien, en a exclu les logements existants deux ans plus tard. La raison en était déjà, en 2011, budgétaire essentiellement. Pour être complet, les pouvoirs publics ont également considéré que l'augmentation des prix était pour partie causée par l'aide. De fait, le pouvoir resolvabilisateur du PTZ était en quelque sorte neutralisé par l'inflation du prix des logements qu'il contribuait à provoquer. Supprimer le PTZ dans l'ancien revenait à freiner l'augmentation des prix.

Cet effet pervers, si tant est qu'il se soit fait sentir, est-il toujours à craindre en 2012 ou 2013 ? Résolument non. Le marché est baissier, à l'exception de Paris intra-muros. Encore faut-il y regarder de près... Les prix moyens sont tirés vers le haut par des appartements familiaux, qui ne sont en aucun cas la cible des primo-accédants, bénéficiaires du PTZ. Les plus petits logements, au coeur même de la capitale et dans les autres grandes villes, ont également vu leurs prix se stabiliser. Dans ce contexte, le PTZ, s'il a pu catalyser un mouvement de hausse, n'a pas le pouvoir d'inverser une tendance à la baisse, qui plus est dans une ambiance économique durablement déprimée.

Dès juin dernier, un premier geste favorable, passé inaperçu, a été accompli par le gouvernement : le PTZ+ est désormais accessible aux premiers acquéreurs d'un logement ancien dans lequel des travaux lourds de réhabilitation ou de rénovation ont été engagés par le vendeur au cours des cinq années précédentes. La mesure ne manque pas d'attrait, dès lors qu'elle conduit à requalifier des logements dégradés en centre ancien, et qu'elle oriente les primoaccédants vers des logements de qualité. En termes de resolvabilisation des ménages, le dispositif ne résout que très partiellement le problème, pour deux raisons : les logements concernés voient leur prix légitimement majoré, les travaux les replaçant dans le haut des prix ; par ailleurs, rares sont les biens dans lesquels des travaux suffisants sont effectués.

Il faut aller plus loin : malgré l'accalmie des prix, la situation des primo-accédants est préoccupante. Les prix se sont certes arrêtés de monter, et ont même été corrigés à la baisse dans beaucoup de villes, mais ils restent hors de portée d'un accédant qui n'a pas d'apport personnel. Or, le PTZ a statut de fonds propres et permet d'obtenir un prêt libre complémentaire dans de bonnes conditions. Les primo-accédants se sont absentés du marché de l'ancien lorsque le bénéfice du PTZ leur a été retiré, d'une façon mécanique. Parmi les quelque 20 % d'achats en moins probablement enregistrés cette année, soit 180000 opérations, les premières acquisitions constituent au bas mot les trois quarts.

Pour ces raisons, le marché ne peut se passer du PTZ dans l'ancien, sauf à compromettre les projets logement des primo-accédants, issus du locatif privé comme du locatif social. Le logement ancien est un des maillons de la chaîne du logement, un maillon de moins et la chaine se bloque. On ne peut non plus passer sous silence les conséquences vertueuses sur l'emploi non seulement dans les services, mais aussi dans le bâtiment : un logement ancien vendu et acheté, c'est 0,3 emploi dans les cinq ans au titre de l'entretien et de la rénovation. Pour le dire autrement, 100000 ventes en moins, c'est 30000 emplois détruits dans les années qui suivent.

CQFD. Ni l'économie immobilière, ni la démocratie immobilière, qui veut que chaque ménage puisse faire son chemin vers la propriété, ne peuvent fonctionner sans prêt à taux zéro dans l'ancien. Il est à souhaiter que les députés et les sénateurs prennent conscience de cet impératif.

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