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Fiscalité immobilier

Plan de rigueur : Ce qui change dans l'immobilier

La recherche d'économies touche le secteur de l'immobilier

La recherche d'économies touche le secteur de l'immobilier - dr

Scellier, PTZ+, TVA… Le nouveau plan d’austérité présenté lundi par François Fillon n’épargne pas l’immobilier. Tour d’horizon des changements à venir et des réactions, largement négatives, des représentants des secteurs concernés.

C’est un Premier ministre passablement inquiet qui a présenté lundi son deuxième plan de rigueur depuis le mois d’août. « Le mot de faillite n’est plus un mot abstrait », a lâché François Fillon, la situation nécessitant selon lui de fournir « des efforts collectifs et prolongés » à même de préserver la « souveraineté économique, financière et sociale » du pays. De nombreux aspects de l’économie sont donc durcis. L’âge légal de la retraite est porté à 62 ans dès 2017 au lieu de 2018, la revalorisation des prestations sociales est fixée à 1 % pour 2012 et indexée sur la croissance (alors qu’elle l’était sur l’inflation), et la diminution des dépenses d’assurance-maladie est réaffirmée. Déjà lourdement touché par le plan d’austérité présenté au mois d’août, l’immobilier se retrouve également largement mis à contribution. L’objectif : ramener en 2012 « notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, à 3 % en 2013, à 2 % en 2014, jusqu’à l’équilibre qui doit être atteint en 2016 », a martelé M. Fillon.

Les mesures ci-dessous, détaillées par le Premier ministre et reprises sur le site de Matignon, seront discutées en séance publique à l'Assemblée nationale à la fin du mois.

Le Scellier prendra fin en 2013

Gros morceau du plan de rigueur, le nouveau coup de rabot des niches fiscales doit rapporter 2,6 milliards d’euros au gouvernement d’ici 2016. Parmi les mesures qui vont être prises dans ce cadre, l’une concerne le dispositif Scellier d’aide à l’investissement locatif, dont on sait désormais qu’il prendra bel et bien fin le 31 décembre 2012. Dans un entretien à LaVieImmo.com, Alain Dinin, le président-directeur général du promoteur Nexity, a estimé que cette annonce n’en n’était pas une, le Scellier ayant été mis en place en 2009 « pour une durée de quatre ans ». La perspective d’une prolongation jusqu’en 2015 avait pourtant été entrevue, une option dans ce sens ayant été déposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) condamne « une décision néfaste à court, moyen comme long terme », qui « met en danger la construction de logements […], va aggraver les difficultés que rencontrent les Français pour se loger, faire augmenter les loyers et restreindre la mobilité des personnes […], et augmenter encore la pénurie de logements » dans le pays.

Particulièrement inquiet, Marc Pigeon, le président de la FPI, estime que l’interruption du Scellier « va durablement peser sur l’activité économique, l’emploi et les conditions de vie des Français, tout particulièrement les ménages à revenus modestes et moyens ».

Moins inquiet, Alain Dinin rappelle que « pas moins de sept lois [de soutien à l’investissement locatif] se sont succédées » en France depuis 1982n et estime qu’une autre devrait prendre la suite du Scellier. « Je sais d’ailleurs que, quelque soit le gouvernement futur, les équipes politiques des deux bords travaillent déjà sur un nouveau dispositif, à mettre en place à compter de 2013 », confie le dirigeant.

La fin du PTZ+ dans l’ancien

Après l’investissement locatif, la résidence principale ! La chasse aux niches fiscales passe également par une réforme du prêt à taux zéro renforcé (PTZ+), qui sera désormais « recentré sur le neuf, avec une coût de génération ramené à 800 millions d’euros », selon les propos de François Fillon.

Mis en place en début d’année sur les cendres de l’ancien PTZ et de la déduction des intérêts d’emprunts, auxquels il s’est substitué, le PTZ+ a été vanté dès sa conception par le gouvernement pour son universalité, le dispositif s’adressant à l’ensemble des primo-accédants, quel que soit leur niveau de revenu, et qu’ils décident de faire construire un logement neuf ou s’installent dans l’ancien. Récemment, des rumeurs avaient laissé entrevoir une possible exclusion des ménages les plus riches du dispositif. S’il n’est pas exclu que la question soit à nouveau évoquée dans les prochaines semaines, c’est finalement sur son autre particularité que le PTZ+ sera retoqué.

En apprenant la nouvelle, la Fédération nationale de l’immobilier a dénoncé une décision « insupportable ». Rappelant que « c’est le PTZ+ qui a soutenu en 2011 l’activité du marché », la Fnaim estime que sa suppression dans l’ancien entraînera « un ralentissement très net de l’activité », avec des conséquences « dramatiques » à la fois dans le domaine de l’emploi, en termes de recettes des collectivités territoriales, et sur la mobilité des salariés. En outre, le PTZ+ dans l’ancien ayant avant tout bénéficié aux ménages les plus modestes, la Fnaim estime que sa suppression revient à exclure « les familles les plus fragiles […] du marché de l’accession à la propriété ». Un coup dur porté à « la France de propriétaires », concept en vogue au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy et cher à Christine Boutin, du temps où elle était au Logement.

Réduction de 20 % du crédit d’impôt développement durable (CIDD)

Toujours au rayon niches fiscales, le gouvernement a décidé de s’attaquer au CIDD, qui « subira un rabot supplémentaire de 20 % ». Issu du Grenelle de l’Environnement, cette mesure permet aux contribuables domiciliés fiscalement en France – qu’ils soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit - de bénéficier d'un crédit d'impôt pour la rénovation de leur résidence principale. Par exemple, des travaux d'isolation thermique ou de remplacement de chaudière.

La Fédération française du bâtiment (FFB) estime que la décision du gouvernement, couplée à l’ensemble des autres mesures prises dans le cadre du plan de rigueur, « hypothèque, à n’en pas douter, l’avenir [du] secteur, et, par là-même, l’emploi ».

Une TVA relevée de 5,5 à 7 % dans le bâtiment*

Largement anticipée, la création d’un taux intermédiaire de TVA s’appliquera à l’ensemble des services et produits qui bénéficient à l’heure actuelle d’une imposition à 5,5 %, à l’exception de l’alimentation, de l’énergie et de tous ceux qui s’adressent aux handicapés. Outre les livres et la restauration, le passage à 7 % concernera les travaux de rénovation et d’entretien des logements anciens. La mesure devrait rapporter 1,8 milliard d’euros à l’Etat.

Lors de l’annonce de la nouvelle, François Fillon a évoqué l’argument de « la convergence des taux de TVA en Europe ». A 7 %, le taux de TVA réduit français sera équivalant à celui pratiqué en Allemagne. On se souvient que la Cour des Comptes avait préconisé un tel relèvement au printemps, estimant qu’il participerait à une meilleure convergence fiscale entre les deux pays.

La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) a été la première à réagir à l’annonce, pronostiquant un « freinage brutal » de l’activité du secteur, avec « une perte d'un milliard de chiffre d'affaire et la disparition directe et indirecte de 10 000 emplois ».

*Petit rappel : le taux de TVA réduit dans le bâtiment est réservé aux travaux d'amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur les logements d’habitation (résidence principale ou secondaire) achevés depuis plus de deux ans. Ces travaux, qui peuvent être entrepris par le propriétaire, le locataire ou l’occupant du logement, ne peuvent bénéficier du taux réduit de TVA que s’ils ont été facturés par l’entreprise qui les réalise.

Emmanuel Salbayre et Léo Monégier