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Fiscalité immobilier

Plus-values immobilières : Les gagnants et les perdants de la réforme

La réforme avantagera les propriétaires qui attendent longtemps avant de revendre

La réforme avantagera les propriétaires qui attendent longtemps avant de revendre - Fotolia

Retour, une semaine après le vote du texte au Parlement, sur le durcissement de la fiscalité appliquée aux plus-values immobilières, qui entrera en vigueur au début de l’année prochaine.

Les parlementaires ont tranché : la fiscalité des plus-values immobilières sera bien remodelée. Mais le texte voté la semaine dernière par l’Assemblée nationale et le Sénat, lourdement amendé avant même sa présentation aux députés, n’a finalement plus grand-chose de commun avec le projet de réforme initial.

Le 24 août, François Fillon annonçait la suppression de l’exonération pour durée de détention, jugée inefficace. Celle-ci est finalement maintenue, même si les propriétaires de résidences secondaires ou de tout bien autre qu’une résidence principale devront désormais attendre 30 ans avant d’être exemptés d’impôt sur la plus-value. Soit deux fois plus longtemps qu’à l’heure actuelle. A la trappe également, l’idée d’imposer les plus-values à leur valeur réelle, « en fonction d’un prix d’achat majoré de l’inflation constatée depuis la date d’acquisition ». Le texte validé par le Parlement ignore l’érosion monétaire. Dernière modification, et pas des moindres : la réforme ne s’appliquera qu’aux actes de vente signés après le 1er février 2012, et pas, de manière rétroactive, à compter du 25 août 2011.

Passe-passe

A première vue, le gouvernement ne sort pas vainqueur des débats, puisqu’en acceptant de retoucher in extremis son projet pour en accélérer le vote, il donne l’impression d’avoir lâché du lest. Pourtant, si on peut regretter que l’amendement fasse l’impasse sur la nécessité de fluidifier le marché du logement (argument largement invoqué au moment de l’annonce de la réforme), le texte tel qu’il s’appliquera répond bien à l’objectif premier du plan de rigueur, à savoir faire des économies. L’aménagement de la fiscalité sur les plus-values rapportera environ 2 milliards d’euros par an à l’Etat, soit à peine quelques centaines de millions d’euros de moins que les 2,2 milliards annoncés fin août.

« Tout le monde a conclu un peu rapidement que le gouvernement avait reculé en acceptant des modifications en profondeur, mais c’est faux ! », analyse Guillaume Fonteneau, conseil en gestion de patrimoine indépendant et responsable du site LeBlogPatrimoine.com. Un tour de passe-passe lié en grande partie à la progressivité du système d’abattements retenu. Les plus-values réalisées au moment de la cession d’un bien détenu depuis moins de cinq ans seront taxées à plein, au nouveau taux de 32,5 %. Pour les reventes après 6 à 17 ans de détention, les propriétaires bénéficieront d’un abattement de 2 % par an. « Considérant que le premier projet de réforme prévoyait de corriger le montant de la plus-value de l’inflation hors tabac et que celle-ci oscille autour de 2 %, les deux solutions produisent des effets quasiment identiques sur les 17 premières années », reprend Guillaume Fonteneau. De la 18ème à la 24ème année, l’abattement est porté à 4 % par an. « C’est un peu mieux, mais finalement pas si éloigné que ça de l’inflation... Il n’y a guère que sur les reventes tardives, celles réalisées après 25 ans de détention, que l’Etat perd au change », poursuit le spécialiste. De la 25ème à la 30ème année, l’abattement est de 8 % par an, avant une exonération totale à compter de la 31ème année.

« Vendez très vite ! »

Le groupe De Particulier à Particulier (PAP) dresse un constat similaire. Fin août, avant que le premier projet ne soit amendé, le spécialiste des petites annonces entre particuliers notait que la prise en compte de l’inflation allait avantager les propriétaires qui revendraient leur bien dans les cinq ans. Au contraire, le texte voté la semaine dernière va, lui, « soulager nombre de ceux qui détenaient des biens depuis 40 ou 50 ans », et que la perspective de la suppression de l’exonération avait effrayé.

Dans tous les autres cas, aucune différence significative entre les deux projets de réforme. PAP prend l’« exemple typique » d’un ménage qui revendrait 334 250 euros un T2 parisien acheté en 1987, il y a donc 24 ans, pour 125 000 euros. Si l’acte de vente est signé avant la date butoir du 1er février prochain, il sera dispensé de taxe sur la plus-value, la vente intervenant plus de 15 ans après l’achat du bien. S’il est conclu après, le propriétaire devra acquitter un impôt sur la plus-value de 27 386 euros. La prise en compte de la seule inflation envisagée par François Fillon l’aurait amené à payer 30 798 euros d’impôt.

Les amendements négociés par les parlementaires auront donc fait gagner un peu de… 3 000 euros à ce vendeur. « Les députés ont fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose ! », tranche Jean-Michel Guérin, président de PAP. Au passage, le dirigeant conseille aux propriétaires de « vendre très vite » s’ils détiennent un bien « depuis plus de cinq ans et moins de trente ans »…

Emmanuel Salbayre