Pour corroborer mon message precedent, ci-joint un article des Echos fort interessant sur la situation economique a Dubai. Il m'est avis que pas mal de grues vont rouiller la-bas. Un bon coup pour les ferrailleurs mais pas pour l'immo en tout cas :
Dubaï, la splendeur ensablée
[ 06/02/09 - 02H30 - actualisé à 17:25:00 ] 2 commentaires
Dubaï se rêvait en cité futuriste, où on viendrait du monde entier faire du shopping ou se distraire. Mais ce projet visionnaire a été rattrapé par la crise mondiale. Premiers licenciements massifs, éclatement de la bulle immobilière, projets pharaoniques annulés ou retardés... Le retour à la réalité est brutal, voire douloureux. L'émirat saura-t-il rebondir ?
Un sixième. Un sixième des 300.000 grues en activité dans le monde tournoient dans le ciel de Dubaï (1). Alors même que cet émirat désertique, plus petit qu'un département français, n'abrite que 0,016 % de l'humanité. Centres commerciaux, aéroport, entrepôts, plages climatisées, gratte-ciel pivotants (!), autoroutes urbaines, marinas, îles artificielles, parcs à thème, tous prévus évidemment pour être les plus grands, les plus chers, les plus ambitieux du monde ; Dubaï est sans doute le chantier le plus prodigue que la planète ait jamais porté. Là même où, il y a vingt ans, vivotait un petit port cosmopolite entre Inde et Arabie. Le deuxième plus important des sept pays fédérés dans les Emirats arabes unis (EAU) depuis 1971 compte doubler en six ans son PNB, sa population et le nombre de touristes. Ces derniers étaient 7,5 millions l'an dernier, dont il est vrai quelques travailleurs au noir, soit presque deux fois plus que ceux visitant l'Australie tout entière. Comme la surenchère est ici un art de vivre, certains évoquent même... 40 millions de touristes à moyen terme. Dubaï nourrit en conséquence des projets d'infrastructures et d'immobilier pharaoniques, pour une facture globale estimée à 360 milliards de dollars. Presque la moitié du plan de relance de Barack Obama.
Les expatriés s'en vont en nombre
Le ciel semblait la seule limite. " Le ciel ? Il leur est tombé sur la tête ", raille un homme d'affaires français, rencontré à l'endroit même où était prévu un gratte-ciel trois fois plus haut que la tour Eiffel. Un projet de 38 milliards d'euros reporté à des jours meilleurs, à peine deux mois après que le groupe Nakheel l'a dévoilé, en octobre dernier. Ce pied de nez à la crise mondiale a fait long feu. La raréfaction mondiale du crédit et la chute des cours de l'or noir ont rattrapé l'émirat. Aujourd'hui, en plein " shopping festival ", censé attirer 4 millions de touristes du 15 janvier au 15 février, les hôtels tourneraient à 40 % de leur capacité. Certains offrent même trois nuits pour le prix d'une. En huit mois, la Bourse de Dubaï a dégringolé de 74 %. Finie la prospérité tirée du recyclage des revenus pétroliers saoudiens ou de l'habitude des Russes, des Libanais ou des Iraniens de placer ici discrètement leurs capitaux à l'abri.
Le " choc psychologique " a eu lieu peu après l'inauguration par Nakheel, le 20 novembre, de l'Atlantis, l'hôtel le plus cher du monde. A peine le gotha avait-il fini de batifoler dans un toboggan-tunnel traversant un aquarium rempli de requins et d'admirer un feu d'artifice visible, paraît-il, de l'espace (coût : 20 millions de dollars) que le groupe annonçait le licenciement de 15 % de ses ouvriers... Une première, ici. Depuis deux mois, des milliers de ces travailleurs immigrés, qui représentent 85 % de la population de l'émirat, une proportion sans équivalent au monde, ont perdu leur emploi, donc leur permis de séjour, explique Nathalie Gillet, journaliste au quotidien emirati " The National ". Il se dit que chaque semaine 10.000 expatriés quittent l'émirat, abandonnant parfois au parking de l'aéroport un véhicule dont ils ne peuvent plus payer les traites. L'Agence de régulation des travaux publics (Rera) a reconnu récemment que près d'un acquéreur de biens immobiliers sur deux accusait des retards de paiement. Après avoir encore augmenté de 43 % en rythme annuel au premier trimestre de l'an dernier, les prix de la pierre ont chuté de 23 % depuis septembre. Certains agents immobiliers qui, pour convaincre leurs clients que les prix ne pouvaient que monter, s'étaient engagés, chèque antidaté à l'appui, à racheter 20 % plus cher six mois plus tard les appartements qu'ils vendaient, seraient en fuite ; les chèques se sont avérés sans provision.
Un " business model " toujours valable
Selon une étude d'UBS, les effectifs dans un secteur du BTP qui fournit plus de 40 % du PIB devraient baisser de 20 % cette année. Et un officiel reconnaît que " 60 % des nouveaux projets seront reformatés, retardés ou annulés ". " Ce qui est déjà sorti de terre sera terminé, car il y va de la crédibilité de l'émirat, résume Christian Koch, analyste au Gulf Research Center, mais ce qui est encore dans des cartons y restera. " Bref, le projet visionnaire de cheikh Zayed et de son successeur actuel, cheikh Mohammed, celui de constituer une cité icône où l'on viendrait du monde entier pour faire du shopping, se détendre... et spéculer est mal en point.
Il n'est pas condamné pour autant. D'abord parce que les autorités locales, qui peuvent s'appuyer sur le puissant voisin Abu Dhabi, ne restent pas les bras croisés.Ensuite, parce que le " business model " de Dubaï demeure valable. La crise immobilière ne va pas faire s'écrouler les tours ou annihiler les infrastructures. Les Dubaïotes ne perdront pas du jour au lendemain leur mentalité d'entrepreneur, une exception dans un golfe Arabo-Persique plutôt rentier. Ce qui est de nature à attirer des investisseurs séduits aussi par la quasi-absence de délinquance et par l'Etat de droit, denrée rare dans le coin ; " ici, un contrat est un contrat, les recours devant les tribunaux sont crédibles et le népotisme relativement réduit ", explique un homme d'affaires. Le pays profite aussi d'une grande cohésion politique et sociale ; l'émir jouit d'une légitimité incontestée et, en l'absence de partis politiques, " se comporte en chef tribal consensuel, assurant l'équilibre entre les dix grandes familles marchandes ", explique un diplomate. L'Etat garantit la gratuité des soins, loge les familles pauvres et assure assez d'emplois publics, rémunérés 1.000 euros environ par mois, pour que le chômage ne soit pas une inquiétude.
Plate-forme de réexportation
Surtout, la " marque " Dubaï demeure inégalable ; c'est la cour de récréation des classes moyennes de Russie, du Proche-Orient ou du sous-continent indien, qui ont découvert la société de consommation et de loisirs, loin du sectarisme ou de l'insécurité sévissant parfois chez eux. C'est un des rares endroits, dans un cercle de 2.000 kilomètres, où une femme peut porter une jupe courte et où on peut boire une bière en public. Le tout au milieu d'une concentration de centres commerciaux vertigineuse ; à un quart d'heure en voiture les uns des autres on trouve 8 " malls " d'une taille comptant peu d'équivalents en Europe. Patrick Chalhoub, dirigeant du groupe éponyme, numéro un du secteur luxe-parfums-cosmétiques dans la région, souligne que la force de Dubaï est de " concentrer une offre abondante et diversifiée dans un petit périmètre, en constituant un attrayant package soleil-loisirs-shopping ", ce dernier constituant le sport favori d'une grande partie de l'humanité.
En outre, Dubaï ne vit pas que du BTP et du tourisme. Le port, qui gère 250.000 conteneurs par an, et sa zone franche de Jebel Ali constituent la troisième plate-forme de réexportation du monde, derrière Singapour et Hong Kong. " Dubaï a su accumuler une qualité de service reconnue mondialement " en matière de manutention, stockage et transbordement, explique Philippe Blasset, directeur régional de CMA-CGM, un des géants mondiaux du fret maritime. Des grossistes viennent de toute l'Afrique et du monde arabe pour acheter fours à micro-ondes turcs, écrans plats japonais ou thé de Ceylan. Des conteneurs sont transbordés en un tour de main depuis les gros cargos provenant d'Asie et continuant vers l'Europe sur des bateaux plus petits qui desservent l'Iran, le golfe Arabo-Persique, l'Afrique. Des conteneurs chinois sont aussi chargés dans des avions-cargos à destination de l'Europe, permettant de gagner huit jours sur cette route.
En définitive, le véritable danger pour Dubaï ne vient pas tant d'une crise qui s'achèvera bien un jour, mais de sa difficulté à attirer toujours plus d'expatriés pour devenir un centre mondial de services financiers, de tourisme et de commerce. Les Occidentaux, qui composent à peu près la moitié des immigrés, ont de plus en plus de mal à épargner en raison de la hausse des loyers de 100 % en trois ans. Quant aux ouvriers indiens et chinois, payés 1 dollar de l'heure, ou aux nounous philippines, payées 2 dollars par jour, qui s'entassent parfois à six dans une chambré louée à un marchand de sommeil, ils gagnent, certes, mieux leur vie que dans leur pays d'origine, mais pas dans de fortes proportions. La fabuleuse croissance indienne et chinoise obligera aussi le mirifique modèle dubaïote à se remettre en question.