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En Chine, l'Etat central s'attaque aux expropriations illégales menées par les collectivités locales

Chine: l'Etat tente de s'attaquer à la confiscation des terres

Chine: l'Etat tente de s'attaquer à la confiscation des terres - Noel Celis - AFP

De 2005 à 2015, entre 100.000 et 500.000 agriculteurs ont ainsi vu leurs terres saisies chaque année par les collectivités locales, en violation des règles foncières nationale. Un nouveau texte du Code civil devrait permettre d’y mettre fin.

Des milliers de paysans chinois dépossédés de leurs terres chaque année, d'autres chassés des villes où ils gagnaient leur pain... Une réforme foncière, récemment approuvée, s'attaque enfin à l'une des plus grosses sources de colère envers le régime communiste. Le phénoménal décollage économique de la Chine ces 40 dernières années s'est largement fait aux dépens des cultivateurs, qui ont dû céder leurs terres, parfois sans dédommagement, aux promoteurs immobiliers, aux industriels ou aux projets d'infrastructures.

"Les différends fonciers représenteraient près de la moitié des mouvements sociaux enregistrés en Chine chaque année", après les conflits du travail, estime l'avocate Ni Yulan, qui défend les droits des petits propriétaires dans l'immense municipalité de Pékin. Conséquence de son activité, Maître Ni a déjà fait de la prison, où elle a été frappée, ce qui lui vaut, selon elle, d'être paralysée des deux jambes.

Sa maison de Pékin a été démolie sur ordre des autorités en 2008. Mais elle n'a jamais pu porter plainte car les tribunaux sont de mèche avec le pouvoir, accuse son mari, Dong Jiqin. Soucieux d'apaiser les tensions, le régime du président Xi Jinping a fait adopter fin mai par le Parlement la toute première version chinoise du Code civil. Le texte restreint l'interprétation de "l'intérêt public", afin de prévenir les expropriations abusives. "Pour la première fois, le Code civil impose un système juridique complet", explique le juriste Liu Qiao, de l'Université municipale de Hong Kong. La réforme va forcer "les tribunaux et les juges à être cohérents dans leurs interprétations, ce qui devrait réduire le risque d'ingérence politique", espère-t-il.

Pas de sanctions pour les auteurs d'expropriations illégales

Le Code garantit aussi l'indépendance des juges, mais ces derniers resteront nécessairement sous la coupe du pouvoir, dans un pays où le rôle dirigeant du Parti communiste figure dans la Constitution. Le Code, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, ne prévoit d'ailleurs pas de sanctions pour les auteurs d'expropriations illégales. "Le problème en Chine, c'est qu'il n'y a pas de supervision: les juges n'agissent pas en conformité avec la loi", estime Liu Qiao. De 2005 à 2015, entre 100.000 et 500.000 agriculteurs ont ainsi vu leurs terres saisies chaque année par les collectivités locales, en violation des règles foncières nationales, selon une étude de Qiao Shitong, professeur de droit foncier à l'Université de Hong Kong.

En Chine, seul l'Etat ou des collectivités peuvent posséder les terres. Les particuliers et les entreprises ne peuvent qu'acheter le droit d'utiliser un terrain pour une durée maximale de 70 ans. Le nouveau Code clarifie pour la première fois ce qu'il advient au propriétaire immobilier au terme des 70 ans: son titre de propriété est automatiquement prorogé, mais le texte ne précise pas si ce renouvellement est gratuit ou payant.

La clarification devrait toutefois donner "un grand coup de confiance" au marché immobilier, selon l'analyste du secteur Dong Jizhou, du groupe financier Huatai. Témoin, Ruo Lan, une humble vendeuse de raviolis pékinoise, qui hésitait à acheter à son fils un appartement dans un immeuble construit il y a 30 ou 40 ans, par peur que le titre de propriété n'expire dans quelques décennies. "A présent je suis tranquille, je sais que mon petit-fils pourra en hériter", explique-t-elle à l'AFP.

Des locataires sans droits

Quant aux locataires, ils n'ont guère de droits face à des propriétaires tout puissants. Han Bingxing, qui loue un appartement dans une résidence de standing à Pékin, s'est ainsi retrouvée sans eau en mars, en pleine crise du coronavirus, après un retard de loyer de... deux semaines. "J'ai été licenciée en février et j'avais demandé un peu de temps à ma propriétaire", raconte à l'AFP cette femme de 26 ans qui travaille dans la pub. Couper l'eau "était le signe indubitable qu'elle voulait m'expulser", ajoute-t-elle.

La pratique est courante chez certains propriétaires qui n'hésitent pas parfois à envoyer des hommes de mains pour faire partir des locataires indésirables. Dorénavant, le Code civil interdit de couper l'eau ou l'électricité à des locataires en retard de paiement.

Avec AFP

D. L.