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Hausse vertigineuse des prix de l'immobilier aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, le boom immobilier exacerbe les inégalités

Aux Etats-Unis, le boom immobilier exacerbe les inégalités - Andrew Caballero-Reynolds

En octobre, les ventes de logements anciens ont atteint leur plus haut niveau depuis début 2006. Mais l'amenuisement du stock de biens disponibles à la vente a aussi provoqué une importante hausse des prix.

Le secteur immobilier connaît un nouvel âge d'or aux États-Unis en pleine pandémie, mais l'appétit pour les maisons neuves et anciennes fait aussi grimper les prix au point que de plus en plus de foyers modestes voient leur espoir d'accéder à la propriété s'envoler. "C'est vraiment une histoire de nantis et de démunis", résume Dana Scanlon, agent immobilier dans la région de Washington D.C., la capitale fédérale.

Pour faire face à la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19, la Banque centrale américaine a abaissé en mars ses taux d'intérêt quasiment à 0. "Ceci a donné un gros coup de pouce aux achats immobiliers pour les gens qui ont gardé leur emploi, qui peuvent travailler de la maison, qui n'ont plus besoin de se rendre au bureau", constate Dana Scanlon.

De plus, les ménages aisés ont pu "ironiquement" épargner depuis le début de la pandémie, ajoute-t-elle. Avec moins de dépenses consacrées aux voyages, aux sorties culturelles ou aux restaurants, ils ont finalement pu viser des biens plus grands et plus chers. La poursuite du télétravail des cols blancs et la fermeture de nombreuses écoles du pays sept mois après le début de la pandémie continuent de doper la demande.

"Pyramide d'acheteurs"

L'envolée des ventes, alors que la pandémie n'en finit plus, a pris par surprise les professionnels du secteur qui n'ont pas oublié l'effondrement du marché pendant la crise financière de 2008-2009. "Il y a une espèce de pyramide d'acheteurs", explique Dana Scanlon. Ceux qui avaient un studio recherchent un deux-pièces, ceux qui disposaient d'un deux-pièces veulent une maison avec un petit jardin et ainsi de suite.

En octobre, les ventes de logements anciens ont ainsi atteint leur plus haut niveau depuis début 2006, selon la fédération nationale des agents immobiliers, la NAR. Mais l'amenuisement du stock de biens disponibles à la vente a aussi provoqué une hausse vertigineuse des prix. Selon les données compilées par la NAR, le prix médian des maisons individuelles a en effet grimpé de 12% au troisième trimestre comparé à la même période de 2019, pour s'établir à 313.500 dollars. Les quatre grandes régions des États-Unis ont enregistré des hausses de prix à deux chiffres, à commencer par l'Ouest (13,7%) suivi de près par le Nord-Est (13%), le Sud (11,4%) et le centre (11,1%).

À ce rythme-là, note la fédération, le prix des maisons a augmenté quatre fois plus vite que le revenu familial médian (+2,9%). En conséquence, de plus en plus de personnes qui souhaitaient acheter pour la première fois un bien immobilier doivent désormais y renoncer. Et la part des "primo-accédants" diminue: 31% en 2020 contre 33% il y a un an, confirme Lawrence Yun, chef économiste pour la NAR. "En raison de la forte augmentation des prix, il devient de plus en plus difficile pour les locataires d'épargner pour l'acompte" nécessaire au premier achat, explique-t-il.

Catégorie des ménages aisés

Pourtant en avril et en mai, des ménages plus modestes avaient pu profiter des taux d'intérêt bas, a constaté Tracey Scott, agent immobilier en Virginie-Occidentale. Mais depuis l'été, elle reconnaît que ses clients viennent plutôt de la catégorie des ménages aisés de la capitale américaine et de sa banlieue. "La Virginie-Occidentale n'est qu'à deux heures de route de Washington D.C.", note-t-elle. "Le paysage est très joli. Il y a des rivières, des montagnes" qui attirent les familles, dit-elle, soulignant qu'elle ne s'attendait "absolument pas" à un tel afflux de demande.

La part des clients en quête d'une maison secondaire grossit aussi à vue d'œil. En Virginie-Occidentale, "ils augmentent d'au moins 25 à 30%", explique Tracey Scott. Selon elle, le télétravail -- "une tendance déjà avant la crise" -- reste un facteur clé du boom immobilier. Et "nous ne reviendrons probablement jamais véritablement au monde du travail que nous connaissions autrefois", renchérit sa consœur de Washington. Mais elle déplore l'accroissement des inégalités dans l'accès au logement d'autant que "malheureusement, ce type de crises a un impact qui va bien au-delà de la période actuelle".

Pour Lawrence Yun, le seul moyen de réduire le fossé est d'augmenter l'offre sur le marché "via la construction de logements et une incitation pour les investisseurs immobiliers à vendre leurs propriétés". C'est ainsi "que les primo-accédants auront de meilleures chances de devenir propriétaires", conclut-il.

Avec AFP

D. L.