BFM Immo
A l étranger

Pourquoi ce quartier de New York ne voit pas forcément d'un bon oeil l'arrivée d'Amazon

Quartier de Long Island City à New York

Quartier de Long Island City à New York - AFP

En pleine gentrification depuis une quinzaine d'années, Long Island City doit accueillir l'un des futurs sièges d'Amazon.

Avec ses milliers d'emplois et ses investissements massifs, l'implantation d'une partie du nouveau siège d'Amazon à Long Island City, annoncée mardi, a ravi certains New-Yorkais tandis que d'autres dénonçaient un marché de dupes.

Quelque 25.000 emplois, voire jusqu'à 40.000 d'ici 2034, avec un salaire annuel moyen de 150.000 dollars, 2,5 milliards de dollars d'investissements: les chiffres annoncés mardi font tourner la tête. Long Island City se prépare donc à une petite révolution avec l'arrivée d'Amazon, une de plus dans l'histoire de ce quartier situé à l'extrême sud-ouest du Queens.

Foyer industriel durant la majeure partie du XXe siècle, "LIC" a déjà été contraint par la désindustrialisation à se réinventer au tournant du XXIème siècle, avec la radicalité propre à New York. Des dizaines de tours ont poussé depuis dix ans, bureaux et habitations, amenant avec elles une population aux moyens supérieurs et des entreprises comme Bloomingdale's, Ralph Lauren, Uber.

-
- © -

Des loyers qui s'envolent

Les bords de l'East River ont été réaménagés, un parc paysager est sorti de terre, envahi par les poussettes de marque et les joggeurs. "Ils ont construit, construit, construit. Avec tout ce qu'il y a là, qu'Amazon arrive ou pas, c'est pareil", commente Pascal Escriout, propriétaire du restaurant Tournesol, à l'extrême sud de Long Island City. "Si ce n'est pas eux, ce sera d'autres".

L'endroit exact où s'installera le nouveau siège est situé le long de l'eau, dans une zone occupée aujourd'hui par des entrepôts ou des friches, en plein coeur d'un quartier où se côtoient modernité extrême et vieilles cheminées désaffectées.

Long Island City est souvent comparé à Williamsburg, quartier de Brooklyn qui constitue l'exemple de gentrification le plus marquant des vingt dernières années à New York. "Beaucoup de gens louent depuis 15 ou 20 ans et doivent s'en aller car cela devient trop cher", explique Mike Barratt, gérant d'un magasin de vélos. "Donc ils sont fâchés."

Des transports publics déjà saturés

Bien avant qu'Amazon ne soit même évoqué, "LIC" était, de loin, le quartier de New York au rythme de construction le plus élevé, avec 3.000 nouveaux logements construits sur le seul premier semestre 2018, selon la plateforme Localize.city.

Au point de submerger le marché, selon Jonathan Miller, président du cabinet immobilier Miller Samuel. L'arrivée d'Amazon revient "à sauver les promoteurs qui ont continué (à construire) malgré une offre déjà excessive", fait-il valoir.

Beaucoup s'inquiètent de l'impact qu'auront 25.000 employés supplémentaires sur les quartiers proches de Woodside, Astoria et Sunnyside, déjà sous pression immobilière, ainsi que sur des transports publics déjà saturés et décatis.

"Nous recevons des appels et des messages d'habitants du Queens", a réagi la nouvelle élue de New York au Congrès, la jeune star démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. "La réponse du quartier? Fureur." "Pousser des gens aux revenus modestes hors du quartier n'améliorera pas leur qualité de vie", a-t-elle tweeté mardi, en réclamant que les emplois soient attribués à des habitants du Queens. Lors d'une conférence de presse, le maire de New York, Bill de Blasio, a assuré qu'un programme serait mis sur pied pour permettre à des résidents du quartier le plus cosmopolite de la ville d'accéder à certains de ces postes.

Des aides publiques à Amazon qui passent mal

Mme Ocasio-Cortez s'est aussi émue, avec d'autres, des avantages consentis par l'Etat de New York et la ville, soit 3 milliards de dollars au total en additionnant abattements et subventions. Plusieurs élus locaux ont parlé, à ce sujet, d'un "jeu de cyniques".

Le gouverneur de l'Etat de New York, Andrew Cuomo, et Bill de Blasio, ont répondu, lors de la conférence de presse, que, selon leurs prévisions, le rapport entre les avantages consentis et les rentrées fiscales serait de 1 à 9 (9 dollars de recettes pour 1 dollar consenti). Pour permettre la réalisation du projet, Andrew Cuomo va avoir recours à une procédure accélérée, le General Project Plan, qui ne nécessite pas la validation du conseil municipal, requise d'ordinaire.

Acteur le plus visible du dossier, M. Cuomo a estimé mardi que "les opportunités économiques et l'investissement vont croître dans toute la région", l'impact économique total du projet étant estimé à 186 milliards de dollars.

Manifestation d'une centaine de personnes

"La ville et l'Etat (de New York) travaillent étroitement pour s'assurer que la venue d'Amazon soit planifiée intelligemment, et pour s'assurer que ce quartier en forte croissance dispose des transports, des écoles et des infrastructures dont il a besoin", a déclaré mardi Bill de Blasio.

Le lendemain, mercredi, une centaine de personnes, dont plusieurs élus locaux, ont manifesté contre l'implantation d'Amazon dans ce quartier. "Je suis furieux que le gouverneur et le maire (de New York) aient décidé de donner 3 milliards en subventions et abattements" à Amazon, a lancé l'élu municipal de Queens, Jimmy Van Bramer, lors de cette manifestation organisée à quelques pas du site présélectionné par Amazon, le long de l'East River, face à Manhattan.

Jimmy Van Bramer a également condamné l'accord accepté par le gouverneur et le maire de New York, Andrew Cuomo et Bill de Blasio - démocrates comme lui - qui interdit au conseil municipal de revenir sur les conditions négociées avec Amazon. "Ils ont décidé de contourner le conseil municipal" afin de "mettre de l'huile dans les rouages de l'homme le plus riche du monde", a ajouté M. Van Bramer, en allusion au président-fondateur d'Amazon, Jeff Bezos.

-
- © -

(Avec AFP)

BFM Immo