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A Marseille, deux "marchands de sommeil" risquent la prison ferme

Prison ferme requise à Marseille contre des "marchands de sommeil"

Prison ferme requise à Marseille contre des "marchands de sommeil" - Gerard Julien - AFP

Le tribunal correctionnel de Marseille a requis des peines de prison ferme contre deux propriétaires.

Des peines de prison ferme ont été requises devant le tribunal correctionnel de Marseille contre deux propriétaires qualifiés par l'accusation de "marchands de sommeil", lors d'une audience dédiée à l'habitat indigne dans la deuxième ville de France. Quinze mois d'emprisonnement dont neuf avec sursis et une amende de 50.000 euros ont été réclamés contre Chadi Younes, 46 ans, un ostéopathe marseillais propriétaire d'une quarantaine de logements, jugé pour mise en danger, dégradation d'appartements dans le but d'en faire partir leurs occupants et pour ne pas s'être conformé à ses obligations de relogement.

Le 29 octobre 2018, une semaine avant l'effondrement de deux immeubles rue d'Aubagne, en plein coeur de Marseille, qui avait provoqué la mort de huit personnes, le bâtiment dont est propriétaire Chadi Younes avait été évacué en urgence après la rupture d'une poutre maîtresse et la chute d'une partie de la toiture. Cinq locataires, qui se sont constitués parties civiles, ont tous décrit un état d'insalubrité de l'immeuble et des ruissellements d'eau provenant du toit. "La cage d'escalier commençait à s'écrouler, le propriétaire promettait tout le temps de faire des travaux mais il prenait juste l'argent", avait témoigné un ancien occupant de l'immeuble. Chadi Younes assure qu'il avait fait réviser la toiture un an plus tôt mais il n'a pas produit la facture, ni même une attestation.

La présidente du tribunal Céline Ballérini a opposé au prévenu un courrier qu'il avait envoyé quinze jours avant l'effondrement de la toiture pour donner congé immédiat à tous les locataires "à la suite de nombreux problèmes de structures et d'infiltrations d'eau". "On peut se demander si cela ne témoigne pas que vous étiez parfaitement conscient de la situation", a relevé la magistrate. "Il n'est pas un propriétaire défaillant mais se comporte comme un marchand de sommeil", a insisté le procureur Guillaume Bricier.

"Il y a un enchaînement malheureux d'évènements"

L'avocat du prévenu, Me Christophe Jervolino, a dénoncé la volonté du parquet de Marseille de "faire de M. Younes un exemple". "Il y a un enchaînement malheureux d'évènements qui conduit à la détresse de familles mais il n'y a pas toujours un responsable", a-t-il plaidé. Lors de cette audience, six mois de prison ferme et 10.000 euros d'amende ont été également requis contre une propriétaire jugée pour mise en danger.

Vivant en région parisienne, Georgette Tohouo, 60 ans, avait acquis en 2007 deux appartements dans un immeuble dégradé du 3e arrondissement de Marseille, l'un des quartiers les plus pauvres d'Europe. Le 22 novembre 2018, le plancher d'un de ses appartements s'était effondré et les toilettes étaient passées à travers. Elle n'avait pas réalisé les travaux nécessaires et ne réglait que partiellement ses charges de copropriété. "Dans ce dossier typique de l'indolence au service du profit, Mme Tohouo a été négligente de A à Z, se comportant typiquement en marchand de sommeil", a estimé le procureur.

Cette propriétaire a déjà été condamnée par la cour d'appel de Paris à deux peines de huit mois d'emprisonnement avec sursis pour soumission de personnes vulnérables à des conditions de logement indigne. Son avocate a invité le tribunal à "ne pas en faire un symbole de la lutte contre l'habitat indigne". Depuis l'effondrement mortel des deux immeubles rue d'Aubagne, la justice a lancé plusieurs enquêtes contre ce fléau à Marseille. Quelque 100.000 personnes seraient logées dans des taudis dans cette ville de 860.000 habitants, selon la Fondation Abbé Pierre.

Avec AFP

D. L.