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Six mois après le drame de la rue d'Aubagne, Marseille toujours en situation de crise

Le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre.

Le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre. - Christophe Simon - AFP

Aujourd'hui, 700 personnes dorment toujours à l'hôtel. Impossibilité de se projeter dans l'avenir, absence d'intimité à l'hôtel, disparition des jouets des enfants... La situation épuise les Marseillais qui ont dû quitter leur logement.

Plus de 2.500 habitants évacués, 310 immeubles vidés, comme autant de balafres dans la deuxième ville de France. Six mois après l'effondrement d'immeubles délabrés, Marseille doit continuer de gérer une crise inédite.

Le 5 novembre 2018, des bâtiments de la rue d'Aubagne s'écroulent, faisant huit morts dans le quartier de Noailles, coeur battant et populaire de la cité phocéenne, à deux pas du Vieux-Port. Depuis des centaines d'immeubles menaçants ont été évacués en urgence, révélant l'ampleur du problème de l'habitat dégradé ou insalubre -- comme un symbole, la locataire d'un studio insalubre a d'ailleurs demandé réparation jeudi devant la justice à son propriétaire... adjoint au patrimoine à la mairie. "On est toujours dans une situation de crise et d'urgence. Le temps est long, surtout pour les délogés", déplore Florent Houdmon, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre. Les évacuations d'immeubles se poursuivent, menant de nouvelles familles dans des hébergements temporaires, même si "le relogement s'accélère et qu'on arrive désormais à reloger plus vite qu'on évacue", reconnaît-il. Reste qu'aujourd'hui 700 personnes dorment encore à l'hôtel.

Certains habitants ont retrouvé, après plusieurs mois d'inoccupation forcée, des appartements "plus insalubres qu'ils ne les avaient quittés", les propriétaires s'étant par exemple contentés d'étayer la structure de l'immeuble sans traiter le reste, ajoute-t-il. Ce n'est pas le cas de Zina Mostefa, soulagée d'en avoir fini avec les nuits à l'hôtel. Depuis que cette mère de famille est relogée dans un T3 en bon état du centre-ville, ses quatre enfants ne font plus de crises d'asthme comme dans son ancien logement, perclus d'humidité. Quant à l'avenir, "tout est précaire et provisoire", déplore-t-elle: des années de travaux sont à redouter dans son ancien immeuble, et personne ne peut dire jusqu'à quand la famille pourra rester dans le nouveau.

"Personne ne sait vraiment ce qu'il se passe"

Impossibilité de se projeter dans l'avenir, absence d'intimité à l'hôtel, disparition des jouets des enfants... La situation à Marseille a eu un lourd impact psychologique, "et les angoisses resurgissent souvent au moment du relogement", explique Evelyne Bachoc, psychologue membre d'un groupe de 18 bénévoles qui offrent leur aide aux personnes touchées. "Rien que le fait de se lever le matin, il faut faire bonne figure même si on a envie de crier", témoigne Sharon, une illustratrice installée à Marseille depuis une trentaine d'années. Elle prend depuis deux mois son petit déjeuner au bar d'un hôtel, où elle est hébergée par la mairie.

Dans 10 m2, "la vie quotidienne, ce n'est pas facile", euphémise cette quinquagénaire. Depuis le 1er avril, la municipalité ne finance plus que partiellement les repas des évacués, servis au restaurant universitaire. "Mon appartement, il était beau, bonnes vibes", se souvient cette franco-britannique. Le 6 mars, l'immeuble est évacué d'urgence, et depuis, rien n'avance. "C'est un gros bordel, personne ne sait vraiment ce qu'il se passe (...) Les services de la mairie sont "en burn-out, et moi aussi", commente cette Marseillaise, qui a attendu un mois son arrêté de péril, sésame pour engager des démarches administratives.

Débordée par la crise dans les premières semaines, la mairie, épaulée par la métropole, assure faire face désormais. Le maire LR Jean-Claude Gaudin, qui a entamé sa dernière année de mandat après un quart de siècle à l'hôtel de ville, assure qu'il "pensera sans cesse" aux victimes de la rue d'Aubagne "jusqu'à sa mort". La métropole a pris une série de mesures pour s'attaquer enfin au problème, qui avait pourtant déjà été soulevé il y a plusieurs années par un rapport officiel. Le permis de louer, notamment, va être expérimenté. L'État a promis de débloquer 240 millions d'euros pour des "travaux de réhabilitation d'urgence" de l'habitat.

Mais pour la Fondation Abbé Pierre, la solution ne pourra passer que par la construction de "suffisamment de logements sociaux dans le centre". D'autant que la crise a encore aggravé la "pénurie de logements dignes et accessibles", regrette Florent Houdmon.

(Avec AFP)

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