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Quotas de HLM : Neuilly-sur-Seine gagne une bataille judiciaire contre l'Etat

Neuilly-sur-Seine compte 6% de logements sociaux

Neuilly-sur-Seine compte 6% de logements sociaux - AFP

La mairie conteste les objectifs de construction de logements sociaux que l'Etat lui impose, du fait du manque de foncier disponible et des prix élevés de l'immobilier. Neuilly vient d'obtenir gain de cause en justice.

La ville de Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine doit-elle se conformer aux quotas de HLM prévus par la loi ? Le peut-elle seulement ? Ces questions sont l'objet d'une âpre opposition judiciaire entre la commune et l'Etat. Dans cette guerre judiciaire, Neuilly vient de remporter une manche avec une décision favorable de la cour administrative d'appel de Versailles, comme le rapporte Le Parisien.

Pour comprendre l'origine de cette affaire, il faut revenir quelques années en arrière. La ville conteste alors l'objectif triennal de construction de 746 logements sociaux sur la période 2008-2010 : objection écartée par le ministère du Logement en 2013. La ville attaque alors l'exécutif devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Mais les juges lui donnent tort dans une décision rendue le 11 juillet 2017. Neuilly fait par la suite appel de ce jugement. Un appel qu'elle vient justement de remporter dans un arrêt rendu le 20 juin dernier. Ce jugement n'est toutefois pas définitif. Le ministère du Logement a indiqué au Parisien qu'il allait se pourvoir en cassation.

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Seulement 6% de logements sociaux à Neuilly

Le fond du dossier reste toujours le même. En janvier 2016, Neuilly-sur-Seine affichait un taux de logements sociaux de seulement 6,22%, selon le bilan triennal 2014-2016 du ministère sur les communes soumises aux quotas prévus par la loi SRU. Certes ce chiffre progresse régulièrement puisque ce taux était de 2,33% en 2002 et de 4,35% en 2011. Mais il est à des années-lumière des objectifs assignés par la loi SRU (pour "solidarité et renouvellement urbain") de 25% en 2025 pour la commune.

Neuilly estime que ces objectifs sont pour elle totalement inatteignables. Il ne reste que très peu de foncier disponible pour construire des logements sociaux, avec seulement 75 parcelles constructibles sur le territoire communal. Par ailleurs, en respectant un ratio de 70% de logements libres et de 30% de logements sociaux pour les nouvelles constructions, il faudrait construire en tout 110.000 logements neufs d'ici 2025, selon les calculs du maire divers droite Jean-Christophe Fromantin. Impossible dans une ville qui compte actuellement… à peine plus de 35.000 logements.

Reste alors l'option, privilégiée ces dernières années par la ville de Paris notamment, de racheter des logements privés pour les transformer en logements sociaux. "Avec la politique d'acquisition des 5.640 logements sociaux demandés par les textes d'ici 2025, et sur la base d'une valeur moyenne de 7.800 euros du m2, il faudrait dépenser plus de deux milliards d'euros sur les 9 ans à venir", estime l'élu dans Le Parisien. La mairie devrait en outre préempter près d'un tiers des biens mis en vente chaque année.

55% des communes ont atteint leurs objectifs

C'est en partie sur la base de ces arguments que la cour administrative d'appel de Versailles a donné raison à la commune, estimant que la décision de la cour administrative de 2013 est "entachée d'une erreur manifeste d'appréciation".

Votée en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, la loi SRU prévoyait à l'origine 20% de logements sociaux en 2020 pour toutes les communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Ile-de-France) faisant partie d'une agglomération ou d'une intercommunalité de plus de 50.000 habitants. Puis cet objectif a été rehaussé en 2013 à 25% pour la plupart des villes en 2025.

Néanmoins, la loi Elan votée en 2018 a très légèrement assoupli ce texte. Le seuil de 1.500 habitants ne concerne plus que l'unité urbaine de Paris (le seuil de 3.500 habitants s'applique désormais au reste de l'Ile-de-France) et les villes qui ne sont soumises à ces quotas que depuis 2015 ou après disposent de délais supplémentaires. Ce qui n'empêchera pas certaines villes d'avoir beaucoup de mal à remplir leurs quotas de HLM.

"Au 3 mars 2017, 1.165 communes (hors DOM) soumises à la loi SRU sont déficitaires en logement social. Si elles remplissaient toutes leurs objectifs, 700 000 logements sociaux devraient être construits d’ici à 2025", souligne ainsi le site vie-publique.fr. En 2017, "55% des communes concernées ont atteint ou dépassé leur objectif (contre 45% qui ne le respectent pas encore)", rappelait également le site de la Banque des territoires (filiale de la CDC).

Jean Louis Dell'Oro