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Immobilier

Une transaction immobilière qui choque les Toulousains

Quel avenir pour le 50, rue des Filatiers ?

Quel avenir pour le 50, rue des Filatiers ? - Google Street View

A l’occasion des 250 ans de la mort de Jean Calas, l’humeur à Toulouse n’est pas à la commémoration, mais au combat. La maison occupée par celui qui fut à l’origine d’une affaire au retentissement international serait reprise par un… supermarché !

« Il ne faut pas qu’une boutique ouvre dans l’ancienne boutique de Jean Calas ! » clament aujourd’hui les Toulousains, mais aussi les férus d’Histoire et les défenseurs des Droits de l’Homme. Victimes d’un des plus grands scandales judiciaires du 18ème siècle, les Calas étaient une famille de commerçants lingers installés rue des Filatiers à Toulouse. En 1761, Marc-Antoine, le fils de Jean Calas, est retrouvé pendu dans la boutique, au rez-de-chaussée de la maison. Après une brève enquête sur le possible suicide de ce dernier, le clergé toulousain accuse sans preuve la famille d’assassinat sur le jeune homme, car ce dernier voulait se convertir au catholicisme. L’Eglise condamne alors Jean Calas pour comportement hérétique. Le 9 mars 1762, il est condamné par le parlement au supplice, et meurt le lendemain, roué et brûlé publiquement. Le philosophe et écrivain Voltaire engagera alors une lutte sans merci pour faire reconnaître l’injustice de cette condamnation, basée sur une intolérance religieuse. Il se distingue ainsi comme le premier écrivain français à s’engager publiquement dans une affaire scandaleuse. C’est après trois ans que la famille Calas sera réhabilitée par le conseil du Roi.

La mairie n’a pas exercé son droit de préemption

Aujourd’hui devrait donc être un jour marqué par la mémoire et la lutte contre les intolérances religieuses... Mais la maison de Jean Calas est en danger, nous apprend l’association « Jean Calas, l’Europe nous regarde », fondée pour perpétuer le souvenir de cette affaire. Claude Dupuy, président de l’association, lance un appel à l’action pour sauver « ce lieu classé historique qui ne doit pas s’éteindre », explique-t-il à LaVieImmo.com. Le magasin de 330 m², théâtre d’une affaire phare au siècle des Lumières, est inoccupé depuis six ans, protégé par le groupe Casino qui l’a pris à bail sans jamais l’occuper. Soudainement, les Toulousains apprennent que « le local a été vendu discrètement en novembre à une société cannoise, qui devrait l’investir à des fins commerciales », poursuit Claude Dupuy. Bien que ne sachant pas précisément qui s’installera dans cet espace chargé d’Histoire, il s’agirait d’une supérette, ou d’un autre commerce. Nouveau scandale, donc, 250 ans après celui de 1762. « Pierre Cohen, le maire de Toulouse, nous avait assuré de son intérêt pour nos actions, et avait promis de sauver les lieux. Pourtant, la transaction a eu lieu sans que la mairie exerce son droit de préemption. Nous multiplions les missives pour savoir qui a acheté, comment, mais personne ne nous répond ! »

Un lieu d’accueil et de réflexion au lieu d’une supérette !

L’association de Claude Dupuy a mis en ligne une pétition pour que ces locaux, avec l’aide des collectivités, soient transformés en un lieu de culture et d’échange. « Il s’agirait d’en faire un lieu d’accueil sur les thèmes de la tolérance, de la laïcité, propres à l’histoire de Jean Calas. Nous accueillerions des universitaires et des chercheurs en droit, en histoire, en philosophie », précise le meneur de cette action. Mais une lueur d’optimisme pointe, car la pétition comporte déjà 857 signatures, et pas des moindres. « Nous sommes soutenus par des associations françaises, suisses et anglo-saxonnes », indique-t-il. « De nombreux intellectuels et représentants politiques signent, et pas uniquement sur le territoire français. Nous avons des commentaires venant des Etats-Unis, de Turquie… Car l’affaire Calas, loin d’être un banal fait divers, a marqué notre Histoire à tous ».

La question est surtout de savoir qui remportera cette nouvelle bataille Calas. Où est donc le Voltaire des années 2000 ? A bon entendeur, rendez-vous sur la page de leur pétition en ligne.

Marielle Davoudian