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Les discriminations raciales pour les locations encore très répandues en Ile-de-France

Logement en Ile-de-France: les discriminations raciales persistent

Logement en Ile-de-France: les discriminations raciales persistent - Rawpixel - Pixabay

Une étude de SOS Racisme montre l'ampleur des discriminations dont sont victimes les personnes avec un nom de famille d'origine asiatique, maghrébine ou subsaharienne. Et la plupart des agences immobilières ferment les yeux sur les pratiques des propriétaires.

La loi est on ne peut plus claire, la discrimination est un délit qui peut être lourdement sanctionné. L'article 225-2 du Code pénal précise ainsi que "la discrimination, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende". Pourtant, cela n'empêche pas certains propriétaires ou agents immobiliers de continuer à avoir des pratiques discriminatoires, en toute impunité.

SOS Racisme a mené un vaste testing en Ile-de-France et publie les résultats de son enquête ce mardi. L'association a répondu à 775 petites annonces immobilières. Les bénévoles se présentaient comme des personnes cherchant à louer un appartement, avec des informations communes, en changeant uniquement leur nom de famille. Après 4.000 mails envoyés, le constat est alarmant. Lorsque les faux candidats à la location se présentaient comme des étudiants, le profil "d'origine française ancienne" (comprendre ayant un nom à consonance "d'origine française ancienne") a reçu 17,5% de retours positifs de la part des bailleurs (proposition de visite ou demande de pièces complémentaires afin de prévoir une visite). Chez le profil d'origine asiatique, ce ratio de réponses positives tombe déjà à 16%. Et les réponses favorables sont encore plus rares pour le profil d'origine maghrébine (14%) ou les profils d'origines ultra-marine et subsaharienne (11%). "Cela signifie qu'un étudiant d’origine asiatique a 10% de chance en moins qu’un étudiant d’origine française ancienne d'obtenir un logement, un étudiant d’origine maghrébine a 20% de chance en moins et un étudiant d’origine ultra-marine ou subsaharienne a 37% de chance en moins", dénonce SOS Racisme.

Précisons ici que seule cette première étape de prise de contact a été testée par l'association. Sur l'ensemble du parcours jusqu'à la signature effective d'un bail, les résultats pourraient donc différer, dans un sens comme dans l'autre. Mais ces données montrent bien que le nom de famille est déjà un obstacle conséquent à passer.

Du coté des jeunes actifs, le constat est encore plus amer. Ainsi, un profil d'origine française ancienne a obtenu 16% de retours positifs, le profil d'origine asiatique 12,5%, le profil d'origine maghrébine 10% et les profils d'origines ultra-marine et subsaharienne 9,5%. "Cela signifie qu'un jeune actif d'origine asiatique a 20% de chance en moins qu'un jeune actif d’origine française ancienne d'obtenir un logement, un jeune actif d’origine maghrébine a 37% de chance en moins, jeune actif d’origine ultra-marine ou subsaharienne a 40% de chance en moins", déplore l'association.

Un racisme marqué en passant directement par un particulier

Mais SOS Racisme est allé plus loin et s'est intéressé de près à l'ampleur des discriminations sur les plateformes de mise en relations entre particuliers, à savoir PAP et LeBonCoin. Le racisme y est encore plus marqué pour certains profils. Une personne d’origine asiatique a 2% de chance en moins d’obtenir une réponse positive pour une annonce qu’une personne d’origine française ancienne (qui obtient en moyenne 48% de réponses positives). Mais une personne d’origine ultra-marine a 26% de chance en moins, une personne d’origine maghrébine a 50% de chance en moins et une personne dont le nom est originaire d’Afrique subsaharienne a 55% de chance en moins.

"Autrement dit, sur 100 retours positifs obtenus par une personne d’origine française ancienne, une personne d’origine ultra-marine a trois chances sur quatre d’avoir un logement. Quant aux personnes d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne, elles ont une chance sur deux", signale SOS Racisme.

Les agences ferment les yeux

Malheureusement, du côté des agences immobilières, le racisme est tout aussi présent. Les militants de SOS Racisme ont contacté 90 agences différentes en se faisant passer pour des propriétaires. Or, "51% des agences immobilières acceptent des pratiques discriminatoires en indiquant aux propriétaires qu’ils pourront procéder eux-mêmes à la sélection ou en laissant le propriétaire sélectionner lui-même le candidat sur la base de ces critères discriminatoires raciaux", indique SOS Racisme. Dans le détail, 49% des agences immobilières testées refusent de faire une sélection sur la base d'un critère discriminatoire racial, une agence sur quatre refuse de faire la sélection elle-même mais laisse le propriétaire la faire, et 27% d'entre elles acceptent de prendre en charge cette sélection.

Tous les réseaux d'agences immobilières ne se valent pas. Ainsi, dans 80% des cas, les agents interrogés du réseau Era France ont accepté de participer à des pratiques discriminatoires quand aucun agent de Century21 n'a accepté de le faire. Dans ce dernier réseau toutefois, 30% des agents testés ont accepté que les propriétaires opèrent ce type de sélection eux-mêmes. Le refus de toute discrimination (même en restant passif et en laissant la main aux bailleurs) atteint également 70% chez Foncia. Ce ratio tombe à 40% chez Guy Hoquet, Nestenn et LaForet et même à 20% chez Era France.

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Pas de discrimination par téléphone pour les bailleurs sociaux

Par ailleurs, l'association montre que parmi les agences immobilières qui acceptent de discriminer (27% des agences testées en moyenne), un peu moins de la moitié opère un rappel à la loi. "Cela montre bien que les professionnels connaissent la loi, mais acceptent tout de même de discriminer en toute connaissance de cause". Parmi les agences immobilières qui n’acceptent pas de discriminer elles-mêmes mais qui laissent le propriétaire le faire (24% des 90 agences testées), seulement la moitié rappelle la loi au bailleur potentiel.

Dans le logement social, SOS Racisme n'a constaté aucune discrimination par mail ou téléphone, mais cette note positive est contrebalancée par une mauvaise: "Lors des testings physiques et de la présentation du demandeur directement sur place en mairie, des discriminations ont pu être constatées en raison de l’origine et du lieu de résidence".

Diane Lacaze