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Les immeubles dotés de buanderies ou de cuisines communes dans 20 ans?

Une buanderie commune pour laver le linge permet de libérer de la place

Une buanderie commune pour laver le linge permet de libérer de la place - AFP

Face à des prix toujours plus chers et des terrains de plus en plus rares dans les grandes villes, le think tank Terra Nova évoque dans un rapport la piste des espaces partagés au sein des immeubles.

Et si les Parisiens, les Lyonnais ou les Bordelais disposaient dans vingt ans de buanderies communes pour laver leur linge. C'est, résumée à très grands traits, l'une des hypothèses de Terra Nova. Le think tank, marqué à gauche et proche du parti socialiste, a récemment publié un rapport sur le logement ("Habiter dans 20 ans") où il tente d'anticiper l'évolution des manières d'occuper les logements.

"La concentration de l'habitat atteint ses limites, parce qu'elle entraîne trop de nuisances. Mais l'étalement urbain pose de redoutables problèmes d'aménagement dans une perspective de développement durable. Une réponse à ce dilemme peut venir d’une meilleure utilisation des espaces", résume Terra Nova dans son rapport. Un peu à la manière de l'économie collaborative pour les voitures, il s'agirait donc de maximiser l'utilisation des mètres carrés en fonction des besoins des habitants. Parking, buanderie, conciergerie, salles libres pour les gardes partagées des enfants… Les espaces potentiellement communs dans les copropriétés ne manquent pas en théorie.

Réduire la taille des chambres et du salon

De quoi limiter la surface nécessaire par habitant, tout du moins pour les parties privatives. "Dans des projets participatifs conçus par des habitants eux-mêmes, on voit cette même logique développée de manière plus ambitieuse avec des pièces communes/partagées beaucoup plus nombreuses : pas seulement une buanderie, mais une terrasse (avec potager collectif), une salle à manger, une salle de jeux pour les enfants, une salle de réunion", relève Terra Nova.

Le "co-living", une tendance venue notamment des Etats-Unis, entend ainsi réduire au maximum les parties privatives au profit des pièces communes. "Du point de vue des lieux, on a toujours la combinaison d'un espace privatif (chambre à coucher) avec des espaces semi-privatifs (salon, cuisine, salle de bains) et des espaces communs (salle de sport, grande cuisine...)", explique le think tank.

Les projets, qui appliquent cette philosophie à des degrés divers, émergent en France. Terra Nova cite par exemple Smartseille d'Eiffage ou "The Babel Community" dans la cité phocéenne, Colonies à Paris ou encore Bouygues avec sa filiale Koumkwat. Mais il s'agit pour l'instant d'initiatives ponctuelles, plus proches du test grandeur nature d'un concept que d'un tsunami sur le marché de l'immobilier. D'ailleurs Terra Nova a parfaitement conscience des limites de ce type de projets.

Un public restreint

Premièrement, ils visent avant tout les jeunes urbains. "Une telle offre de logement correspond à un profil professionnel très spécifique, lié souvent aux nouvelles technologies, à une organisation du travail "par projet", à une mobilité caractéristique d'un début de carrière", estime Terra Nova.

Deuxièmement, la réglementation est souvent inappropriée. Elle fixe des normes minimales pour la surface d'un appartement ou d'une chambre. "En outre, la définition des typologies de programmes (logement, foyer, hébergement hôtelier, hôtel) limite la possibilité de développer des espaces comprenant une mixité des usages", reconnaît le think tank. Sans compter qu'il existe une insécurité juridique, par exemple en cas de contentieux si les résidents ne respectent pas les codes de bonne conduite fixés par la "communauté". Et ce type d'appartement sera-t-il facile à revendre ? Et à quel prix ? Rappelons ici que, dans une approche pas si lointaine, les appartements en résidences seniors se revendent souvent péniblement et parfois à prix cassés, notamment lorsque les charges sont jugées excessives.

Un parc immobilier qui changera peu d'ici 20 ans

Troisièmement, le marché de l'immobilier reste un paquebot. Même si certains espaces peuvent voir leur usage se modifier dans le temps, ces changements sont souvent lents. "Sachant que le parc immobilier se renouvelle au rythme de 1 % par an, on peut gager que 80 % du parc immobilier dans lequel nous vivrons dans vingt ans est déjà construit. Les contraintes techniques sont fortes, elles se transforment peu, on ne peut pas changer les modes de construction du jour au lendemain", admet Terra Nova.

Reste une dernière inconnue : l'envie des Français pour les espaces partagés sur le long terme, une fois passé l'enthousiasme des pionniers. A New York par exemple, cela fait des décennies qu'une large majorité d'immeubles disposent de laveries communes au rez-de-chaussée ou au sous-sol. Les règlements internes des immeubles interdisent en effet souvent d'avoir une machine à laver chez soi. Mais dans le même temps, les appartements qui ont le droit d'en disposer se louent généralement plus cher. Signe que cet aspect communautaire est loin d'être accepté par tout le monde.

Jean Louis Dell'Oro