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Rénovation Et Travaux

Lettre ouverte du CLER adressé à Cécile Duflot et Philippe Martin

Le CLER s'adresse aux ministres Cécile Duflot et Philippe Martin

Le CLER s'adresse aux ministres Cécile Duflot et Philippe Martin - http://www.cler.org

Le réseau pour la transition énergétique (CLER) s'adresse au ministre du Logement et au ministre de l’Écologie, alors que le Plan de Rénovation Énergétique de l'Habitat doit être annoncé le jeudi 5 septembre.

Madame la Ministre de l'Egalité des Territoires, du Logement

Monsieur le Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie

Comme l’a démontré le Débat national sur la transition énergétique (DNTE), l'impérieuse nécessité de lancer un vaste programme de rénovation énergétique des logements pour des raisons à la fois environnementales, économiques et sociales ne fait plus débat dans notre pays : il est donc plus que temps de passer aux actes !

Près d'un an après l’engagement pris par le président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre 2012 de « mettre aux normes énergétiques un million de logements par an, en nous concentrant sur les quatre millions de logements anciens qui sont les plus mal isolés », et après les mois d’attente qui ont suivi l’annonce le 21 mars dernier d’un « plan d’investissement pour le logement », nous devrions nous réjouir pleinement du lancement du « Plan de Rénovation Énergétique de l’Habitat » (PREH) le 5 septembre prochain.

Malheureusement, la manière dont ce plan a été préparé et les informations que nous possédons sur son contenu suscitent notre plus vive inquiétude.

Absence de concertation Alors même que le DNTE a été, de l’avis de tous les participants et observateurs - et malgré des imperfections inhérentes à tout exercice innovant de démocratie participative - un modèle de concertation et de travail d’élaboration collective, l’absence totale, au sein du comité de pilotage du Plan de rénovation énergétique de l'habitat de toute entreprise, ONG ou association environnementale a de quoi étonner.

Même le Plan Bâtiment Durable, carrefour reconnu de tous les acteurs du secteur bâtiment, professionnels comme associatifs, publics comme privés, et qui a largement fait les preuves de son efficacité et de sa pertinence, n’a pas été associé à la réflexion. L’expérience acquise de longue date sur le terrain par les Espaces-Info-Énergie et les Agences locales de l’énergie dans l’accompagnement des projets de travaux des particuliers relatifs à l’énergie ou dans la lutte contre la précarité énergétique aurait pu être utilement valorisée et exploitée pour éviter de renouveler les erreurs du passé.

Au-delà de la forme peu transparente du pilotage que nous regrettons profondément, ce sont surtout les orientations apparemment retenues, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, ainsi que la faiblesse des moyens mobilisables pour la mise en œuvre opérationnelle du plan qui posent question.

Niveau d'ambition beaucoup trop modeste Comme en attestent les documents diffusés aux acteurs de terrain par les services de l’État en région (DDT), le niveau d’ambition pour une rénovation dite « lourde » se limite à un bouquet de travaux de deux actions. Or, ne pas se donner pour référence la compatibilité avec le niveau BBC, c'est renoncer de fait aux objectifs du Grenelle pour 2020. Plus grave : Comment imaginer en procédant ainsi que l’objectif de réduction des consommations finales en 2050 - reconnu comme incontournable et central dans la transition énergétique par tous les participants de bonne volonté du DNTE - puisse avoir la moindre chance d’être ne serait-ce qu’approché ?

Guichet unique encore flou Un deuxième grand sujet d’interrogation et de perplexité est la mise en place du « guichet unique de la rénovation » pour les particuliers telle que prévue par l’État, qui ne paraît prendre en compte ni l’exigence de qualité du service, ni les moyens nécessaires aux acteurs de terrains pour assumer dans des conditions acceptables le traitement du grand nombre de demandes attendues.

En tant qu’outil opérationnel du service public de l’efficacité énergétique, le guichet unique doit garantir l’égalité de traitement de tous les citoyens, quelque soit leur niveau de revenus, ou leur lieu de vie, en visant notamment un niveau de rénovation compatible avec le facteur 4 et en assurant un traitement neutre, objectif et indépendant, ce qui exclut de facto tout acteur passant contrat avec des fournisseurs d’énergie ou de matériel.

Alors que le dispositif est censé être opérationnel d'ici quelques semaines, les acteurs de terrain n’en connaissent pas toutes les modalités de mise en œuvre, mais savent qu’ils devront travailler à moyens constants. Rappelons que les objectifs assignés par le président de la République signifient une augmentation des dossiers traités d’un facteur 8 au minimum. Et pour se figurer le saut à accomplir, il faut imaginer que des acteurs locaux aussi divers que les collectivités locales, les banques, les artisans, les conseillers énergie, les agences de l’Etat (Anah, Anil) travaillent ensemble pour chaque rénovation, depuis la hiérarchisation des travaux, le financement, l’obtention d’aides, le suivi de chantier jusqu’à la livraison des travaux. Un vrai changement d’échelle et de méthode de travail sera donc nécessaire.

Redressons la barre collectivement Un manque d’ambition sur les niveaux de performance à atteindre serait catastrophique pour les engagements de long terme ; une trop grande précipitation dans la mise en œuvre « pour faire du chiffre » et une absence de moyens conduiraient inéluctablement au même rejet par les Français que celui qui a suivi le Grenelle : nous n'aurons pas de troisième chance !

Enfin, de nombreuses autres questions restent en suspens à quelques jours seulement des annonces officielles :

Selon quelles modalités et avec quels moyens la nécessaire collaboration avec les collectivités locales sera-t-elle déclinée ?

Quelles méthodes de détection et quelles actions de lutte contre la précarité énergétique seront mises en œuvre au niveau local ?

Quelles mesures concrètes sont prévues pour optimiser l’utilisation de l’argent public et éviter les gaspillages en créant des outils de financement simples, efficaces et en favorisant un « effet levier » substantiel ?

Quelle sera l’articulation du PREH avec la stratégie de rénovation du bâtiment à 2050 dont la publication a été rendue obligatoire pour le 30 avril 2014 par la directive Efficacité énergétique de 2012 ?

Qu’a-t-on prévu pour la mise en conformité de la RT actuelle sur l’existant, totalement obsolète et incompatible depuis le 9 juillet 2013, avec cette même directive ?

Toutes ces incertitudes constituent à nos yeux autant de risques d’échec. Elles doivent être levées sans délai !

C’est en grande partie sur les épaules des acteurs de terrain que nous représentons que reposera le succès du PREH : concernés au premier chef par le plan, il est à la fois légitime et indispensable de les associer à la définition des conditions concrètes de sa mise en œuvre.

Un cadre clair de pilotage et une gouvernance adaptée reposant sur la transparence et la confiance doivent être rapidement définis et appliqués tant au niveau national que local.

Convaincus que les annonces du 5 septembre prochain apporteront une réponse positive à l'ensemble de ces inquiétudes, nous nous tenons à votre entière disposition pour contribuer à l'indispensable changement, dans l’esprit d’intérêt général qui anime depuis toujours nos membres et les actions que nous menons.

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