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Logement : plus de 14 millions de Français vivent dans des conditions précaires

Des logements indignes à Paris.

Des logements indignes à Paris. - Stringer - AFP

La Fondation Abbé Pierre sort son 24ème rapport sur le mal-logement en France. Et les chiffres restent alarmants. 4 millions de personnes souffrent du mal-logement et, autour de ce noyau dur, il existe un halo de millions de personnes qui sont affectées par la crise du logement.

La Fondation Abbé Pierre tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme concernant le mal-logement en France. L'organisme publie ce vendredi son 24ème rapport sur le sujet et le constat est inquiétant. La situation se détériore.

Il est certes impossible de comparer strictement l'évolution, entre 2006 et 2013, du nombre de mal-logés. "À intervalles réguliers depuis 1955, l’Insee produit une enquête nationale Logement (ENL), posant des centaines de questions à la population française sur ses conditions d’habitat. La dernière enquête disponible datait de 2006. Celle menée en 2013, dont nous exploitons ici les résultats, permet donc de mesurer l’impact de la crise économique sur l’état du mal-logement. Pour autant, il n’est pas toujours possible de mesurer l’évolution dans le temps d’un phénomène car les questions ne sont pas toutes identiques d’une année sur l’autre. De plus, nos propres critères de mal-logement évoluent, intégrant des problèmes, comme la précarité énergétique ou l’effort financier excessif, qui n’étaient pas comptabilisés jusqu’ici", précise la Fondation. Néanmoins, les chiffres montent que la situation s'est dégradée "qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile, de l’hébergement contraint chez des tiers, de la sensation de froid, des procédures en justice et des expulsions pour impayés, de l’effort financier excessif, de la difficulté à déménager ou de l’attente d’une HLM".

La Fondation Abbé Pierre reconnait une amélioration du confort sanitaire de base – 99 % des logements disposent désormais d’eau courante, WC intérieurs et chauffage – "mais d’autres critères s’imposent désormais pour distinguer les logements confortables des autres. On pense notamment à des éléments apparemment moins graves, mais bien plus répandus, comme l’inconfort thermique, les infiltrations d’eau, le bruit ou l’humidité, qui ont des conséquences avérées sur la qualité de vie et la santé". Ainsi, les Français sont 44% de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût, 20% plus nombreux à être hébergés chez des tiers, 26% de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement ou encore 6% de plus à se serrer en surpeuplement accentué.

Une dizaine d'appartements indignes entre 0,9 et 6 mètres carrés à Paris

Pour être plus précis, 4 millions de personnes sont à la rue ou très mal logées. Parmi elles, 902.000 personnes sont privées de logement personnel: les personnes sans domiciles (à la rue, dans des abris de fortune) qui ont augmenté de 50% entre 2001 et 2012, celles en habitations de fortunes ou encore celles hébergés chez des tiers de manière très contrainte qui ont progressé de 19% entre 2002 et 2013. Parmi ces 4 millions, près de trois millions vivent dans des conditions très difficile, "pas d’eau courante, de WC intérieurs, de douche, de moyen de chauffage ou de coin cuisine, ou leur façade est très dégradée, avec des fissures profondes". En mars dernier, la Fondation révélait l'existence d'une dizaine d'appartements indignes d'une surface comprise entre 0,9 et 6 mètres carrés et loués entre 250 et 480 euros par mois à Paris. Et enfin, 934.000 vivent en surpeuplement dit "accentué", c’est-à-dire qu’il leur manque deux pièces par rapport à la norme de peuplement. Et cela représente 17% de plus qu'en 2006.

Autour de ce noyau dur, des millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement. Ainsi, plus de 4 millions de Français vivent en situation de surpeuplement modéré, ce qui signifie qu'il leur manque une pièce par rapport à la nome d'occupation. Un nombre qui a augmenté de 6% entre 2006 et 2013. L’Insee considère un logement en "surpeuplement modéré" s’il manque une pièce par rapport aux besoins d’intimité du ménage et si les habitants ne disposent pas d’au moins 18 mètres carrés chacun. Plus d'un million de personnes étaient en situation d'impayés de loyers ou de charges au moment de l'enquête. De plus, "1.123.000 personnes, propriétaires occupants, vivent dans des copropriétés en difficulté, subissant un très mauvais fonctionnement, des impayés de charges nombreux et importants ou une absence de travaux d’entretien".

Effort financier excessif et le froid à domicile

Pour la seconde année, la Fondation Abbé Pierre a décidé d’intégrer à son décompte deux nouvelles formes de fragilisation par le logement: l’effort financier excessif et le froid ressenti au domicile. "La précarité énergétique touche des millions de personnes qui subissent des dépenses énergétiques excessives ou ont froid à leur domicile. Le noyau dur de la précarité énergétique, composé des ménages modestes ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité s’élève à 3.558.000 personnes".

L’effort financier excessif concerne quant à lui les ménages modestes appauvris par des niveaux de loyers insoutenables, en particulier dans le parc privé. Il touche 5.732.000 personnes qui consacrent plus de 35 % de leurs revenus à leurs dépenses de logement, ne leur laissant pour vivre qu’un revenu inférieur à 65 % du seuil de pauvreté, soit 650 euros par mois et par unité de consommation. Ce taux d'effort financier excessif a progressé de 42% par rapport à 2006.

Globalement, "au-delà de ce premier cercle de mal-logement (NDLR, qui touche donc 4 millions de personnes), les difficultés de logement fragilisent un halo de 12 millions de personnes en France", détaille la fondation. "Au total, sans double compte, ce sont donc 14.620.000 personnes qui sont victimes de la crise du logement, qu’elles soient mal logées ou fragilisées par rapport au logement", déplore la Fondation Abbé Pierre.

70.000 sans-abri ont trouvé un logement durable

Dans un communiqué, le ministère du Logement affirme que 70.000 personnes sans domicile ont trouvé un logement durable l'an dernier. "Les premiers résultats des actions mises en place sur l'ensemble du territoire démontrent l'efficacité de la démarche Logement d'abord", peut-on lire.

Ce plan, lancé l'an dernier pour toute la durée du quinquennat d'Emmanuel Macron, vise à trouver durablement un logement aux personnes sans-abri, au-delà des hébergements d'urgence. Il passe par la construction de HLM aux loyers très bas, les logements "très sociaux", et d'autres méthodes comme l'intermédiation locative: les propriétaires privés louent leur logement à des associations qui le sous-louent en retour à une personne en difficulté, l'Etat apportant une aide complémentaire.

Toutefois, "la mise en place accélérée du Logement d'abord se déploie en réalité assez lentement", a nuancé en conférence de presse Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. "Il est difficile de tirer un bilan après à peine un an (...), mais quelques traits communs émergent: des objectifs modestes, sans moyens à la hauteur et portés par des équipes motivées mais rarement avec un portage politique au plus haut niveau", a-t-il détaillé.

Diane Lacaze