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Pourquoi l'état des logements loués dans le parc privé risque de se dégrader de plus en plus

Les loyers ont progressé moins que l'inflation.

Les loyers ont progressé moins que l'inflation. - Gerard Julien - AFP

Depuis 2007, les loyers augmentent moins vite que l'inflation. Et depuis 2014, les loyers ont en moyenne diminué entre deux locataires. Résultat, de moins en moins de propriétaires réalisent des travaux d'amélioration et d'entretien dans le bien loué, constate le dernier observatoire Clameur.

Cela vaut-il encore le coup pour un propriétaire de faire des travaux avant de remettre en location son logement? L'observatoire des loyers de Clameur, qui regroupe les professionnels du secteur de l'immobilier, vient de publier son bilan pour l'année 2018 et tire une nouvelle fois le signal d'alarme. "En dépit du rebond d'activité en 2018, le marché locatif privé n'a pas retrouvé sa vigueur de la première moitié des années 2000", constate l'organisme. Et plusieurs indicateurs inquiètent particulièrement l'association.

Tout d'abord, la progression des loyers du parc privé est restée, l'an dernier, inférieure à l'inflation. En effet, sur l'ensemble de la France, l'augmentation des loyers de marché (c'est-à-dire à la relocation ou lors d'une première mise en location dans le parc privé et hors charges) a été limitée à 1,4% quand l'inflation, elle, a progressé de 1,8% selon l'Insee. Une tendance qui n'est pas récente. Depuis 2007, les loyers de marché augmentent moins vite que l'inflation. Ils ont ainsi progressé de 1% par an contre une inflation annuelle moyenne de 1,2% sur la période.

Pour Clameur, les explications sont multiples: "Ce mouvement (…) trouve son origine dans la montée du chômage et la moindre progression voire la diminution des revenus (retraités, fonctionnaires, agriculteurs, …) qui ont fortement pesé sur le pouvoir d’achat des candidats à la location". Ce qui n'a pas été compensé par des transferts sociaux, au contraire. "Dans le même temps, l’absence de revalorisation des aides personnelles au logement, puis à partir de 2012 le durcissement de leurs conditions d’octroi et plus récemment leur diminution ont affecté les clientèles les plus fragiles que le parc locatif privé accueille largement", ajoute l'organisme. Un mouvement amplifié depuis 2015, par la reprise de l'accession à la propriété qui "a contribué au départ des locataires aux revenus moyens et élevés et à leur remplacement par des candidats relativement moins aisés".

Des loyers qui baissent encore dans 25% des plus grandes villes

Pour ceux qui affirmeraient que cette faible progression des loyers est une preuve de l'efficacité de l'encadrement des loyers, Clameur leur répond que le lien de cause à effet est loin d'être aussi limpide car ce phénomène est largement répandu, y compris dans des villes qui n'ont pas tenté d'encadrer les loyers. En effet, depuis 2013, les loyers ont baissé ou progressé à un rythme inférieur à l'inflation dans 70% des 20 plus grosses villes de France. En 2018, les loyers ont même baissé dans 25% de ces communes. C'est le cas à Nîmes (-0,1% en 2018), Lille (-0,3%), Nantes (-0,6%), Strasbourg (-0,6%) et Montpellier (-1,8%). Et dans six autres villes (voir tableau complet en bas de cet article), les loyers progressent moins vite que l'inflation (comme à Lyon, Toulouse ou Nice). "La panne des loyers de marché se constate donc partout, même sur les communes dites rurales et sur les plus petits marchés situés en dehors des zones d’encadrement : la panne n’est donc pas spécifique aux seules grandes villes et à leurs agglomérations", précise Clameur. Inversement, les loyers ont progressé rapidement l'an dernier dans neuf grandes villes, en particulier à Villeurbanne (+6,1%), Marseille (+3,2%) et à Paris (+2,5%). On soulignera ici que les deux seules villes ayant mis en place l'encadrement du niveau des loyers (Paris et Lille) ont ainsi connu des trajectoires différentes après l'annulation par la justice de ces dispositifs issus de la loi Alur fin 2017.

Autre signe qui ne joue pas en faveur des propriétaires: depuis 2014, les loyers ont diminué entre deux locataires. De 0,6% par an en moyenne, alors qu'entre 1998 et 2010, ils avaient progressé de 5,2% par an. Une évolution que Clameur retrouve aussi sur des marchés qui ne sont pas concernés par l'encadrement des loyers. "On constate en 2018 des baisses de loyer de 2% et plus dans 6 départements qui ne sont pourtant pas habituellement classés dans les catégories des marchés tendus". Il s'agit de l'Aisne, l'Aube, le Doubs, la Haute-Marne, la Nièvre et l'Yonne.

Les propriétaires font moins d'efforts d'amélioration et d'entretien

La conséquence de ces recettes locatives moins intéressantes pour les propriétaires est que ces derniers font moins d'efforts d'amélioration et d'entretien. Depuis 2014, 15,4% des logements remis en location ont bénéficié de travaux permettant d’en améliorer le confort (notamment thermique), contre 23,4 % entre 1998 et 2013. Et en 2018, cet effort s’est encore réduit à 13,3%. Nous sommes très loin du pic constaté entre 2009 et 2011 où ce ratio culminait alors autour de 32%. "Le constat est inquiétant pour l’avenir (dégradation de la qualité du parc, détérioration des conditions de logement, …)", alerte Clameur.

"Sur une grande partie du territoire, les loyers sont trop faibles pour assurer l’équilibre financier des projets d’investissement requis", insiste Clameur. "Dans les grandes agglomérations, l’instabilité fiscale et réglementaire n’est guère encourageante pour beaucoup de propriétaires bailleurs. L’encadrement des loyers risque de dissuader les propriétaires bailleurs de maintenir une stratégie active d’entretien de leur patrimoine". Ce qui, in fine, se répercutera sur les locataires et leur qualité de vie.

Diane Lacaze