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Investissement

"Investir dans l'immobilier américain : le point sur les questions liées à la succession"

Victor Pagès et Me Mehdi Batthik

Victor Pagès et Me Mehdi Batthik - dr

Diversifier son patrimoine, réaliser un rêve ou profiter d’une belle opportunité, les Etats-Unis attirent de plus en plus les Français qui souhaitent investir dans l’immobilier. Pour cause, le pays offre un environnement sécurisé, stable et avec des opérations à haut rendement. Cependant, investir à l’étranger soulève de nombreuses questions, parmi lesquelles les démarches et les frais engendrés lors de la succession. Quelles conséquences sur le calcul des droits de succession en France et aux Etats-Unis ? Est-ce que les mêmes règles s’appliquent si le bien est à l’étranger ? Risque-t-on d’avoir une double imposition ? Eléments de réponse signés Victor Pagès, du cabinet de conseil My US Investment, et Maître Mehdi Battikh, du cabinet d’avocats Bignon Lebray.

Les droits nationaux conduisent à une double imposition….

La loi française est pour une fois simple à appliquer : si le défunt est domicilié en France, tous ses biens meubles et immeubles sont imposables en France, quelles que soient leur nature ou leur situation (biens situés en France ou à l’étranger).

Aux Etats-Unis, les règles sont légèrement différentes. Si le défunt est domicilié en dehors du pays, seuls certains biens situés sur le territoire sont assujettis aux impôts, notamment les immeubles et les droits sociaux de sociétés américaines.

« A l’instar des revenus générés par un ou plusieurs biens immobiliers situés aux Etats-Unis, les biens immobiliers détenus sur le sol américain par un défunt français font l’objet d’une double déclaration auprès des autorités locales et françaises, dans le cas d’une succession, confirme Victor Pagès, fondateur du cabinet My US Investment, cabinet de conseil en immobilier américain. Afin d’éviter une double imposition et de ne pas freiner l’investissement des Français sur le sol américain, une convention bilatérale entre les deux pays existe. Cette convention franco-américaine permet, sous certaines règles, d’effacer les droits de succession provenant des Etats-Unis. »

… évitée grâce à la convention franco-américaine (du 24 novembre 1978)

« A première vue, investir aux Etats-Unis peut susciter quelques interrogations sur une fiscalité applicable à la succession potentiellement lourde (40% de taux maximal d’imposition sur les biens immobiliers aux Etats-Unis), indique Maître Mehdi Battikh du cabinet Bignon Lebray. Pourtant grâce à de nombreux abattements et crédits d’impôt appelés « Unified Credit », les droits de succession sur le sol américain seront quasi nuls, sauf cas de très grande fortune. »

La convention (article 12-2) prévoit que la France octroie une déduction fiscale égale à l’impôt payé aux Etats-Unis pour les biens imposables situés sur le territoire américain. La déduction est plafonnée dans la limite de l’impôt dû en France pour ce même bien immobilier. Concernant le calcul de l’impôt versé aux Etats-Unis (article 12-3), deux types d’abattement sont proposés et illustrés dans l’exemple ci-dessous.

Exemple 1

Monsieur X, citoyen français décédé en France, dispose d’un patrimoine net de 1.000.000 euros dont 200.000 euros pour un immeuble situé aux Etats-Unis. Son seul héritier est son fils.

La France dispose du droit d’imposer l’ensemble de la succession. Par hypothèse, le fils de Monsieur X est redevable en France de 200.000 euros au titre de cette succession. Parallèlement les Etats-Unis disposent du droit d’imposer la succession sur l’immeuble situé aux Etats-Unis. Par hypothèse, l’impôt dû aux Etats-Unis relatif à la transmission de l’immeuble est de 39.000 dollars avant crédit d’impôt. Le crédit d’impôt est égal à la plus importante des sommes suivantes :

- Le « Unified Credit » pour les non-résidents : 13.000 dollars ;

- Le « Unified Credit » pour les résidents dans la proportion des biens situés aux Etats-Unis : 200.000/1.000.000 x 5.430.000 = 1.086.000 euros.

Aucun impôt n’est donc dû aux Etats-Unis car le crédit d’impôt accordé dépasse le montant de l’impôt dû.

Dans le cas d’un couple marié, la convention (article 11-2) stipule que les biens immobiliers non inclus dans la communauté et qui sont transmis par un citoyen français à un conjoint ne résidant pas sur le sol américain ne sont imposables aux Etats-Unis que si leur valeur excède 50% de la valeur de l’ensemble des biens imposables aux Etats-Unis. Par ailleurs, s’il y a imposition, la convention (article 11-3) prévoit l’application d’une déduction maritale à certaines conditions. Une déduction égale au montant de l’« Unified Credit » (5.430.000 dollars), limitant ainsi sensiblement les cas d’imposition dans cette situation. Cas illustré dans l’exemple 2.

Exemple 2 :

Monsieur X, citoyen français décédé en France, dispose d’un patrimoine net de 1.000.000 euros dont 200.000 euros pour un immeuble situé aux Etats-Unis (Immeuble 1) et 100.000 euros pour un autre immeuble situé aux Etats-Unis (Immeuble 2). Son seul héritier est sa femme.

La France dispose du droit d’imposer l’ensemble de la succession. Dans cet exemple, aucun droit n’est dû en France car les successions entre époux ne sont pas imposables. Aux Etats-Unis, seuls sont imposables les immeubles dont la valeur représente au moins 50% de la valeur de l’ensemble des biens imposables aux Etats-Unis :

Valeur de l’ensemble des biens imposables = 200.000 + 100.000 = 300.000

Rapport Immeuble 1 = 200.000/300.000 = 66,66%

Rapport Immeuble 2 = 100.000/300.000 = 33,33%

Seul l’immeuble 1 est donc imposable aux Etats-Unis pour une valeur de 200.000 euros. Cependant, la déduction maritale s’applique dans cet exemple. Le montant de cette déduction est de 5.340.000 dollars, donc supérieur à la base théoriquement imposable. La base imposable est donc réduite à zéro, aucun impôt n’est donc dû aux Etats-Unis.

La constitution d’un patrimoine immobilier a pour but de sécuriser ses placements et d’assurer une certaine protection financière pour sa famille. Le lieu de l’investissement ne devrait pas constituer un frein à cette démarche. La convention bilatérale qui existe entre les Etats-Unis et la France tend, entre autre, à minimiser les risques et simplifier les démarches de succession lorsqu’on détient un bien immobilier sur le sol américain.

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