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Livret A, PEL et assurance-vie moins attractifs : les Français ont-ils intérêt à prendre plus de risques ?

Le Livret A reste paradoxalement à un taux avantageux

Le Livret A reste paradoxalement à un taux avantageux - Mychele Daniau - AFP

Le gouvernement aimerait détourner les épargnants de leur goût pour la sécurité. Livret A, PEL et assurance-vie vont donc devenir moins attractifs. Cela suffira-t-il à leur faire prendre des risques en investissant sur le marché actions? C'est loin d'être gagné.

Haro sur l'épargne défiscalisée? À voir les dernières décisions du gouvernement concernant aussi bien l'assurance-vie, le PEL que le livret A, on est en droit de penser que ces produits ne sont plus en odeur de sainteté. À partir du 1er janvier 2018, les nouveaux versements en assurance-vie vont, pour les encours supérieurs à 150.000 euros, être soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30%. Or jusqu'à présent, pour les contrats détenus depuis plus de 8 ans, les intérêts bénéficient d'une taxation limitée à 23%.

De même pour les PEL. Les plans ouverts après le 1er janvier verront leurs intérêts également soumis à ce PFU, y compris lors des premières années. Or jusqu'à présent, sur les intérêts générés, l'épargnant ne payait que des prélèvements sociaux à hauteur de 15,5%. Les ménages qui ouvriront un nouveau PEL l'an prochain seront donc perdants.

Pour le livret A, la situation est un peu différente. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière qu'il bloquerait sa rémunération à 0,75%. Ce qui est loin d'être une bonne nouvelle. Déjà, à l'heure actuelle, l'inflation étant autour de 1% (0,9% en août), les Français perdent de fait de l'argent. Avec la reprise progressive de l'économie, et la remontée lente de l'inflation anticipée par la Banque centrale européenne, la tendance devrait s'amplifier. Le gouvernement ne laisserait donc pas le taux du livret A s'ajuster avec la hausse des prix, et les épargnants perdraient encore davantage de pouvoir d'achat.

Des produits qui vont devenir plus intéressants

Ces trois placements ont donc subi un coup de semonce. À l'inverse, d'autres produits plus risqués vont devenir intéressants. "Le PEA (plan d'épargne en actions, NDLR) va voir sa fiscalité inchangée, alors que celle-ci était déjà intéressante. Et il permet aux épargnants de profiter de la hausse des marchés actions. On peut aussi penser aux comptes-titres (où l'argent est investi en actions ou obligations, NDLR), qui eux vont être plus avantageux, avec une imposition à 30% alors que la taxation pouvait monter jusqu'à 60%, si l'épargnant se situait sur la tranche d'impôt sur le revenu la plus élevée", souligne ainsi Philippe Crevel, président du Cercle de l'Épargne.

"Avec la réforme du gouvernement, les épargnants vont se retrouver sur un pied d'égalité. Et de façon relative, certains produits vont se retrouver gagnants comme les comptes-titres. C'est aussi le cas de super-livrets", abonde Cyril Blesson, associé chez Pair Conseil, rédacteur des Cahiers de l'Épargne.

Des Français frileux

Est-ce que cela sera suffisant pour que les Français aient intérêt à prendre des risques, et modifier leurs habitudes d'épargne? Pas vraiment. "Les Français aiment la liquidité, la sécurité, les garanties en capital. Ils aiment la possibilité de retirer leur argent à tout moment, ce qui n'est pas le cas avec ces produits", rappelle Philippe Crevel. Les choix sur l'assurance-vie montrent le peu d'appétence pour le risque des ménages tricolores. Sur 100 euros placés, environ 75 vont dans les fonds en euros, qui sont investis en obligations, avec une garantie totale sur le capital de départ. Et donc les 25 restants vont dans les fonds dits en "unités de compte", plus risqués, où la rémunération peut être bien plus forte. Mais où l'épargnant n'est pas non plus certain de récupérer sa mise de départ.

"Il y a un risque que les Français laissent dormir leur argent sur leurs comptes courants, leurs dépôts, qu'ils maintiennent leurs habitudes passées", pointe Philippe Crevel.

Pas de gros mouvements

Du coup, il paraît peu probable que la nouvelle fiscalité sur l'épargne provoque une révolution copernicienne chez les Français qui peuvent mettre de l'argent de côté. "On ne pense pas que cela va entraîner des mouvements de bascule patrimoniaux très importants. Il va y avoir un effet sur l'assurance-vie qui va être écornée et les épargnants vont moins placer leur argent dessus. Et le PEL va subir une déconvenue", estime Cyril Blesson.

Le problème est aussi qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas vraiment d'incitation fiscale à prendre des risques ou à quitter l'épargne défiscalisée. Les livrets bancaires rapportent actuellement un maigre 0,30%. Et le taux du livret A, bien que négatif en tenant compte de l'inflation et à un plus bas historique, reste en fait assez avantageux.

"0,75% pour un produit sans risque c'est un taux élevé. Le livret A reste donc un produit attractif de par sa rémunération relative car il faut avoir conscience des conditions de marché. Actuellement l'État se finance à 0,73% à 10 ans. Donc 0,75% pour ce type de produit c'est beaucoup", fait valoir Cyril Blesson.

Une réforme pour simplifier

Au final, "la réforme du gouvernement vise avant tout à simplifier le traitement fiscal des placements en France. Mais il n'y a pas de mesures fortes pour réorienter les placements vers les actions. Alors que durant la campagne, on parlait de combattre la rente et de favoriser le financement de l'économie", pointe l'expert.

De fait, les annonces du gouvernement semblent surtout taillées pour faire des économies. Selon une mission d'évaluation des niches fiscales datant de 2010, les avantages fiscaux des PEL et ceux liés au régime de l'assurance-vie sont respectivement évalués à 300 millions et 1,2 milliard d'euros. Pour ce qui est du livret A, Bercy tablait sur un coût de 272 millions d'euros pour cette année, dans la loi de Finances pour 2017.

Mais le gouvernement bloque avant tout sa rémunération car elle sert de pivot aux prêts accordés aux acteurs du logement social. Or ces derniers vont être mis à rude épreuve, le gouvernement souhaitant que leurs loyers baissent pour compenser la réduction des APL. D'où l'idée, en contrepartie, de leur laisser des marges de manœuvre financières.

Par Julien Marion (BFM Business)

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