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Ce qui se cache derrière ces étranges biens immobiliers vendus pour 0 euro à Paris

A Paris, certains biens s'échangent à zéro euro

A Paris, certains biens s'échangent à zéro euro - AFP

Le fisc a mis en ligne une carte de France de toutes les transactions immobilières entre 2014 et 2018. On y découvre que certains biens sont cédés à 0 euro dans la capitale. Enquête.

Si Paris est connu pour ses prix de l'immobilier prohibitifs, certains logements sont pourtant cédés… à 0 euro! Bercy a rendu public sa vaste base de données des transactions immobilières en France entre 2014 et 2018. Dans un soucis de simplicité, le fisc a transformé cette base de données en carte. Dans un précédent article, nous vous expliquions que certains chiffres avaient de quoi étonner, ce qui mettait en doute la fiabilité de cette carte. En effet, nous avions trouvé des biens immobiliers à 1 euro dans le 6ème ou encore à 0 euro dans le 9ème arrondissement de la capitale. Plus précisément, nous avons retrouvé par exemple 5 ventes le même jour à zéro euro dans un immeuble du 9ème arrondissement à Paris.

Pour les biens à 1 euro, il est possible de penser à une vente à 1 euro symbolique, mais pour la vente à 0 euro, l'interrogation demeure, sachant que les dons ne sont pas répertoriés dans cette carte. Maître David Ambrosiano, notaire, nous explique qu'il peut "s’agir d’une cession gratuite (par exemple entre des personnes publiques ou entre bailleurs sociaux), mais moyennant d’autres obligations en échange. Le prix de l’acte est donc de 0 €, mais les biens et les obligations mises en contrepartie font l’objet d’une évaluation dans l’acte pour les besoins de la fiscalité. Or, si les données brutes DVF (la base de données "demandes de valeurs foncières", qui sert pour la carte mise en ligne par Bercy, NDLR) ne font remonter que les prix, la référence n’est pas pertinente. C’est bien entendu une hypothèse".

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Pas de retraitement des données comme chez les notaires

"Les données DVF résultent me semble-t-il de l’extraction de données brutes de publicité foncière n’ayant pas fait l’objet d’un retraitement pertinent. Dès lors, le système trouve vite ses limites", ajoute Maître David Ambrosiano. "Les données statistiques des notaires font non seulement l’objet d’un travail de renseignement long et précis (nombre de critères), mais également d’un arbitrage quant à la pertinence de la transaction pour l’alimentation des bases statistiques. C’est justement pour éviter les incohérences, en termes de prix, mais aussi de composition des biens, que les bases du notariat procèdent à une correction de toutes les données qui pourraient être inexactes. C’est un travail considérable qui n’est pas effectué lorsque des données brutes non vérifiées sont fournies, comme c’est le cas pour DVF".

Alain David, chargé de missions en statistiques immobilières des notaires de Paris, précise, concernant cette vente à 0 euro : "Si c’est une vente en bloc de 4 appartements et 1 dépendance (comme semble l’indiquer l’application DVF) avec un seul prix, notre base ne peut affecter le prix aux différents éléments et supprime la référence pour ne pas mettre d’élément trompeur à disposition du public. C’est sans doute un des éléments majeurs à prendre en compte dans cette nouvelle mise à disposition ‘brute’ des données fiscales. Ces données ne sont pas retravaillées et des erreurs ou des éléments qui semblent aberrants ne sont pas purgés avant mise à disposition".

Cela n'explique toutefois pas pourquoi certaines de ces ventes à zéro euro n’apparaissent pas sur Patrim (accessible ici), le site de Bercy qui permet aux contribuables de rechercher des transactions immobilières pour aider à estimer la valeur d'un bien. Cette base de données reprend pourtant les données foncières et immobilières de la Direction générale des Finances publiques, autrement dit une base de données similaires à la base DVF. Cela n'explique pas non plus comment certains ont réussi à accéder à des biens immobiliers à 0 euro, comme ce bien de 65 mètres carrés et cet autre de 50 mètres carrés rue Richer à Paris en 2014.

S'agirait-il d'erreurs ? Nous avons demandé le relevé des formalités au service de publicité foncière. Et là, nous découvrons que ces transactions existent effectivement. Tous ces biens ont été vendus par le syndic. "Ces lots, cédés par la copropriété, doivent correspondre à des parties communes (bout de couloir ou autre)", décrypte pour nous Maître Thierry Delesalle, notaire à Paris. Quand un propriétaire rachète des parties communes à la copropriété (par exemple un bout de couloir pour agrandir son appartement), l'acheteur augmente mécaniquement son tantième et donc sa part dans les charges de l'immeuble. Ce qui fait autant d'économies pour les autres copropriétaires et ce, pour tous les budgets à venir. C'est pourquoi certaines copropriétés acceptent visiblement de les céder à titre gracieux, même si généralement il est nécessaire de mettre la main à la poche.

Face aux questions soulevées par ces étranges données, Bercy a mis à jour sa carte des prix. Désormais les biens répertoriés dans la première version à zéro euros sont indiqués en "nan € / Vente" plutôt que "0 € / Vente".

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Diane Lacaze