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Fin de l'encadrement des loyers : ce qui devrait changer

Après Lille, le dispositif a été annulé à Paris

Après Lille, le dispositif a été annulé à Paris - Bertrand Guay - AFP

Alors que le dispositif a été annulé à Paris, propriétaires bailleurs et locataires s'interrogent sur l'impact de cette décision. Qu'est-ce qui va changer pour eux? Les loyers vont-ils se remettre à grimper? Faut-il s'attendre à un retour en masse des investisseurs sur le marché locatif traditionnel? Explications.

Après Lille, le tribunal administratif de Paris a annulé ce mardi l'encadrement des loyers dans la capitale, en vigueur depuis août 2015. Ce dispositif prévoyait qu'à la signature d'un nouveau bail ou lors d'un renouvellement, le loyer d'un logement ne puisse dépasser de 20% un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral. Il ne pouvait pas non plus être inférieur de 30% à ce montant.

Le gouvernement va faire appel de cette décision, mais la fin de l'encadrement des loyers est provisoirement actée. Mais que change cette décision de justice? Voici en quelques points-clés, les réponses aux questions que vous vous posez peut-être.

>> Retrouvez notre dossier sur l'encadrement des loyers

> Les loyers vont-ils à nouveau flamber à Paris?

Pour Jean Perrin, président de l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), la réponse est clairement non: "Il existe à Paris un décret de blocage des loyers reconduit chaque année depuis au moins 25 ans, qui stipule qu'à logement identique, un propriétaire ne peut pas louer plus cher à un nouveau locataire que le prix qu'il a pratiqué à l'ancien".

Surtout, les loyers dans le secteur privé ont plutôt tendance à baisser en France, comme le montrent les derniers chiffres de Clameur. Selon l'observatoire, ils reculent de 1,2% entre janvier et novembre, sur un an, hors inflation. Ce qui n'était pas arrivé depuis la crise financière de 2008, lorsque le marché locatif s'était effondré. Les tarifs ont même baissé dans certaines grandes villes exclues du dispositif, comme Bordeaux (-0,3%).

Et à Paris comme à Lille, la hausse des loyers a été limitée (respectivement +1% et +1,4% à fin novembre). Ce que n'a pas manqué de souligner l'ex-ministre du Logement Cécile Duflot, ce mercredi sur France Inter: "les loyers à Paris ont augmenté de plus de 60% depuis 2000, et la seule période où ils ont été contenus et que l'augmentation est descendue en dessous de 1%, c'est depuis la mise en place du premier décret à la relocation", en 2016.

> Quelles conséquences pour les locataires qui en ont bénéficié?

Aucun propriétaire n'a le droit de modifier un bail en cours. Quant aux renouvellements de locations, "c'est le loyer ancien qui servira de base au loyer nouveau", précise Jean Perrin. Reste que certains bailleurs pourraient être tentés de revoir leur loyer à la hausse. Ils pourront le faire, mais seulement en cas de travaux ou de loyer sous-évalué par rapport au marché.

De son côté, l'ancienne ministre estime que cette décision est "un problème pour des centaines de familles (...), qui depuis deux ans et demi ont bénéficié d'une baisse de loyers de 30 à 50 euros par mois -soit 500 euros sur une année- qui risquerait d'être remis en cause".

> Les propriétaires "lésés" peuvent-ils exiger une compensation de l'État?

"Dire à l'État qu'on aurait pu fixer un loyer plus cher il y a deux ans est difficile à soutenir. Il n'y aura donc pas beaucoup de contentieux dans cette affaire", souligne le président de l'UNPI. En revanche, "un propriétaire qui a été contraint de réduire son loyer avec l'encadrement, à la demande d'un locataire qui avait précédemment accepté une hausse de prix, pourrait très bien se retourner contre l'État pour demander de se faire rembourser la différence à cause d'une loi qui n'était pas valable. Dans ce cas, il y a un aspect juridique qui méritera d'être étudié".

> Les propriétaires qui avaient cessé de louer leur(s) appartement(s) vont-ils revenir?

"Dans l'immédiat non, car le marché immobilier reste stigmatisé par le gouvernement, avec le futur impôt sur la fortune immobilière (l'IFI), la hausse de la CSG ou encore la hausse des taxes foncières... L'heure n'est donc pas à la fête pour les propriétaires qui mettent leur(s) bien(s) en location. En revanche, certains d'entre eux vont remettre des logements sur le marché, notamment ceux qui ont privilégié les locations de courte durée via des plateformes type Airbnb pour échapper à l'encadrement des loyers.

> L'État peut-il publier un nouveau décret qui ne soit pas juridiquement contestable?

Le gouvernement peut décider dans un ou deux ans de revenir sur l'encadrement des loyers, en l'appliquant aux communes limitrophes. Pour Cécile Duflot, "il faut tout simplement appliquer la loi Alur" qui a selon elle été sabotée en août 2014 par le premier ministre d'alors (Manuel Valls, NDLR), qui a souhaité l'appliquer de manière expérimentale. Mais "ce n'est pas ce que dit la loi", a soutenu l'ex-ministre au micro de France Inter, espérant que le gouvernement applique le dispositif aux 412 communes de l'agglomération parisienne.

"Le problème aujourd'hui, c'est qu'il n'existe pas de références suffisantes dans toutes les petites communes de l'agglomération parisienne qui permette de créer un encadrement des loyers valable sur le plan juridique. Et vu que les loyers sont orientés à la baisse actuellement, les plafonner serait absurde", estime pour sa part Jean Perrin.

En attendant, Cécile Duflot appelle le gouvernement à demander le "sursis à exécution, des choses très techniques mais qui vont permettre de sauver l'encadrement des loyers, jusqu'à la publication d'un nouveau décret sur l'ensemble de l'agglomération parisienne".

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