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Prix immobilier

L'immobilier d'entreprise responsable de la crise du logement ?

L'excès d'offre de bureaux permettrait de combler 40 % du déficit en logements

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Immogroup Consulting met à jour l’influence de l’immobilier d’entreprise sur les difficultés rencontrées sur le marché résidentiel. Sans une intervention rapide des pouvoirs publics, la région pourrait pâtir d’une situation de plus en plus difficile à contenir, notamment en termes de prix des logements.

Et s’il n’y avait pas vraiment de pénurie de foncier en Île-de-France ? Dans une étude consacrée à la crise du logement, le cabinet Immogroup Consulting étudie les rapports entre l’immobilier d’habitation et l’immobilier d’entreprise (bureaux, entrepots…), et tord le cou à l’idée, communément admise, selon laquelle Paris et sa région manqueraient de place pour construire suffisamment de logements neufs. Selon Jean-Michel Ciuch et Evelyne Colombani, co-auteurs de l’étude, il y aurait en fait « moins pénurie qu’une exploitation insuffisante combinée à une allocation inefficiente des ressources foncières existantes ».

Comportement moutonnier

En cause, selon les deux économistes, la préférence accordée depuis une dizaine d’années par les élus et les investisseurs à l’immobilier d’entreprise en raison d’une « rentabilité fiscale et financière attendue […] bien plus alléchante que celle du logement ». Sur la dernière décennie, la croissance annuelle moyenne du parc immobilier de bureaux francilien est ainsi évaluée à 1,9 %, quand le parc de logements, lui, n’a « guère progressé de plus de 0,9 % », en ligne avec sa tendance de long terme. La comparaison est plus désavantageuse encore avec le parc d’entrepôts, dont Immogroup Consulting estime qu’il a progressé de 7 % en moyenne entre 1999 et 2009. « Chiffre plus révélateur encore : [à la même période], la variation annuelle moyenne des surfaces mises en chantier a été positive de 3,1 % en bureaux, locaux d’activité et entrepôts, alors qu’elle a été négative de 2,7 % en logements », poursuit l’étude, qui pointe également du doigt le « comportement moutonnier et spéculateur » de nombreux acteurs du secteur, qui n’ont pas tenu compte des fondamentaux du secteur ni des volumes de besoin.

Conséquence, un déficit de construction en immobilier résidentiel évalué, « sur la base d’estimations prudentes », à 150 000 unités depuis 2001, soit plus de 9 millions de mètres carrés habitables, et un stock total à un an de locaux tertiaires disponibles d’environ 9,5 millions de mètres carrés. « Autrement dit, l’excès de stock en locaux professionnels équivaudrait théoriquement au déficit d’offre en logement au cours des cinq dernières années et à près de 40 % du déficit d’offre depuis 2000 », reprennent les auteurs de l’étude. Une comparaison saisissante, même si, de leur aveu, « il s’agit sans doute d’un maximum, car il faut déduire les locaux ou terrains, qui, de par leur structure ou situation particulière, ne peuvent raisonnablement pas bénéficier d’une transformation ou affectation résidentielle ».

Implosion sociale

Face à ce constat, Jean-Michel Ciuch et Evelyne Colombani prônent une vision transversale du marché de l’immobilier, et recommandent aux pouvoirs publics d’engager une politique d’incitation à la modernisation du parc immobilier d’entreprise existant, par le biais d’avantages fiscaux, notamment. « Il faudrait également modifier les règles d’urbanisme en accroissant notablement la constructibilité résidentielle et il faudrait aussi maîtriser la production nouvelle en matière d’immobilier d’entreprise ». Seule une intervention publique permettra d’atteindre une situation d’équilibre, avec un stock de locaux tertiaires « raisonnable » et en augmentation « correctement maîtrisée », et une offre en logements « sensiblement étoffée », ajoutent-ils. Si rien n’est fait, en revanche, le décalage a toutes les chances de s’accroître, et Immogroup Consulting table, à l’échéance 2020, sur « une perte d’attractivité de la région par rapport aux grandes places européennes, [les entreprises ayant de plus en plus de mal à loger leurs salariés, qui plus est à un coût raisonnable, NDLR], avec à la clé un risque d’implosion sociale ».

Si elle est encore circonscrite à Paris, la situation décrite par l’étude menace également d’autres villes de France. « Le stock à un an de bureaux, locaux d’activité et entrepôts excédait, à fin 2009, 5 millions de mètres carrés dans les dix-neuf métropoles régionales les plus importantes », notent Jean-Michel Ciuch et Evelyne Colombani. « L’excédent d’offre globale était d’aiu moins 2 millions de mètres carrés ».

Emmanuel Salbayre