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Prix immobilier

Le marché immobilier freine mais la France est encore loin du krach

A Paris, les prix continuent de s'envoler

A Paris, les prix continuent de s'envoler - AFP

Malgré des transactions en baisse et une demande qui peine à suivre les prix, le marché immobilier reste robuste.

Depuis janvier, les voyants du marché de l'immobilier passent à l'orange les uns après les autres. Dans le neuf, constructeurs et promoteurs s'inquiètent désormais à haute voix. "Le mois de juillet est calamiteux: cette fois le logement plonge", s'était récemment alarmé Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). De mai à juillet, les permis de construire sont en repli de 12,1% par rapport à la même période il y a un an, selon les données du ministère de la Cohésion des Territoires. Pour les mises en chantier, ce n'est guère plus brillant, avec un repli de 4,9% sur un an.

Si le dispositif de défiscalisation Pinel a été prolongé jusqu'en 2021, il a été recentré sur les zones les plus tendues. Par ailleurs, les aides à l'achat ont été largement rabotées. L'APL accession, destiné à aider les ménages modestes à devenir propriétaires, a été supprimée dans le neuf et limitée géographiquement dans l'ancien. Or, ce dispositif permettait à entre 35.000 et 50.000 ménages modestes de devenir propriétaire chaque année, selon le Crédit Foncier. Le prêt à taux zéro (PTZ) a lui aussi été recentré dans les zones les plus tendues. Dans le neuf, 8.527 PTZ ont été accordés au premier trimestre, selon un rapport d'information de la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur l'application des mesures fiscales publié en juillet. C'est 41% de moins qu'il y a un an.

Le marché de l'ancien commence lui aussi à patiner. De mai à juillet, le nombre de compromis de vente signés a reculé de 16,5% par rapport à la même période de 2017, selon le baromètre LPI-SeLoger. "La demande est (…) affaiblie, autant par la hausse des prix des logements qui a sensiblement dégradé la solvabilité des candidats à l’achat, que par la suppression des aides personnelles à l’accession qui pénalise particulièrement les primo-accédants", commentait alors dans un communiqué Michel Mouillart, professeur d’économie et porte-parole du baromètre.

Des transactions en baisse

Dès le premier trimestre, les notaires et l'Insee constataient un début de repli dans le nombre de transactions. En mai, 948.000 logements avaient été acquis dans l'ancien au cours des douze derniers mois, contre un pic à 969.000 opérations en janvier dernier, selon les données compilées par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Même constat pour les prêts accordés. Alors que les banques se livrent une concurrence intense pour attirer les clients en cassant les prix, l'activité se tasse. En dépit du rebond apparu début avril, le nombre de prêts bancaires accordés au cours des douze derniers mois en juillet est toujours en repli de 6,8% par rapport aux douze mois précédents, selon l'Observatoire CSA / Crédit Logement.

Malgré ces signaux d'alarme, le tableau est pourtant loin d'être noir. Dans le neuf, le marché est particulièrement cyclique et semble avoir atteint son point haut l'été dernier. D'autant qu'avec les élections municipales de 2020 en ligne de mire, les maires sont tentés de réduire la voilure sur les mises en chantier. L'année 2018 s'annonce donc moins bonne que l'année 2017. Mais l'activité dans la construction restera bien plus élevée que lors du dernier creux de 2014-2015.

Un pouvoir d'achat immobilier qui reste fort

Dans l'ancien, "on ne battra pas les records de transactions de 2017 mais on reste proche des plus hauts historiques", explique Sébastien de Lafond, président et fondateur de MeilleursAgents.com. D'autant qu'il n'y a pas eu d'emballement excessif en 2017. Si on rapporte le nombre de ventes dans l'ancien au nombre de ménages, nous avions seulement retrouvé le volume d'activité des années d'avant la dernière crise.

Ensuite, les prix sont loin d’avoir flambé partout avec la même ampleur. Depuis 2008, le tarif du mètre carré s'envole, il est vrai, à Paris. En août, l'indice des prix immobiliers (IPI) de la ville lumière a ainsi progressé de 43,8% par rapport à janvier 2008, selon MeilleursAgents. Néanmoins, dans le top 10 des plus grandes villes (en dehors de la capitale), les prix n'ont progressé que de 12,1% sur la même période. Lorsqu'on élargit aux 50 plus grandes communes de France, c’est la stabilité qui domine (+0,2% sur 10 ans). Et dans les zones rurales, ils reculent même de 13,3%.

Autre signe que la demande reste forte, les délais de vente moyens se sont considérablement réduits en une décennie. Cet appétit des Français pour la pierre est soutenu par des taux historiquement bas, à 1,42% en moyenne sur 20 ans en janvier, selon l'Observatoire CSA / Crédit Logement. D'ailleurs, le pouvoir d'achat immobilier des ménages, s'il commence à être rogné par la progression des prix, reste élevé. MeilleursAgents a en effet calculé la surface que peut acheter un ménage de deux personnes en fonction de ses revenus médians, avec un emprunt sur 20 ans et une mensualité représentant un tiers des revenus disponibles. Ce pouvoir d'achat est au même niveau qu'en 2003, et bien supérieur à celui constaté entre 2008 et 2012 au niveau national. Dans les grandes villes, la situation est plus contrastée mais "nous sommes bien loin de la crise", estime Thomas Lefebvre, directeur scientifique de MeilleursAgents.

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"Le changement de cycle n'est pas très loin"

Revers de la médaille, la durée des emprunts a explosé. Les crédits dans l'ancien (hors rachats et renégociations) sont accordés sur 244 mois en moyenne actuellement, soit 20 ans et quatre mois. En 2004, cette durée dépassait à peine les 15 ans. Nous sommes d'ailleurs proches du pic atteint en 2008, juste avant que le marché immobilier ne craque. En outre, la politique monétaire de la Banque centrale européenne devrait progressivement se durcir en 2019, alors que l'inflation repart dans la zone euro (+2% sur un an en août). En parallèle, la situation économique se dégrade avec un chômage qui ne baisse plus et une croissance moins forte que prévu.

"Plusieurs indicateurs montrent que le changement de cycle n'est pas très loin, probablement dans moins d'un an", prévoit ainsi MeilleursAgents. Ce qui n'empêchera pas les prix d'augmenter encore en moyenne de 1,5% d'ici l'été 2019 selon la plateforme. Le marché ralentit indéniablement. Il est toutefois encore loin de montrer les mêmes signes de fébrilité que lors de la précédente crise.

Jean Louis Dell'Oro