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Allez-vous pouvoir bientôt emprunter à taux négatif pour acheter un bien immobilier?

Les taux immobiliers sont au plus bas.

Les taux immobiliers sont au plus bas. - Philippe Huguen - AFP

Depuis mi-juin, le taux d'emprunt à 10 ans de l'État français tombe régulièrement en territoire négatif. Si les taux immobiliers subissent des baisses, il y a assez peu de chance pour qu'un acheteur emprunte lui à taux négatif. Explications.

Allons-nous pouvoir être payé pour emprunter? Depuis le 18 juin, le taux d'emprunt à 10 ans tombe régulièrement en territoire négatif. Les banques répercutent ces baisses et il est actuellement possible d'emprunter à des taux records. Chez le courtier Vousfinancer, les taux de crédit immobilier ressortent en moyenne à 1,20% sur 15 ans, 1,40% sur 20 ans et 1,60% sur 25 ans. Certains Français, avec les meilleurs dossiers, peuvent même emprunter 0,6% sur 15 ans, 0,8% sur 20 ans et même à 1% sur 25 ans.

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Mais aucune banque ne prête encore à taux négatifs. Cela sera-t-il possible? Probablement pas, répond Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer: "Si les taux de crédit ont peut-être encore un potentiel de baisse, bien sûr désormais limité, il n’y a pas de raison ni commerciale, ni économique que les banques se mettent à prêter à taux négatifs. La demande de crédit est fortement repartie depuis la fin du premier trimestre et on s’achemine vers une année record à tous les niveaux, tant en termes de transactions immobilières que de production de crédits. Alors pourquoi le feraient-elles ?".

Au Danemark et en Belgique, quelques rares emprunteurs, qui avaient souscrit des crédits immobiliers à taux variables, ont vu le taux de leur prêt devenir négatif au cours des dernières années. En Allemagne, des crédits à la consommation ont même été accordés à des taux négatifs. Pourquoi pas en France? Il est possible d'arguer que notre système juridique ne nous le permet pas. "Les banques invoquent de nombreux arguments pour démontrer leur incapacité à appliquer des taux négatifs comme par exemple le fait que le contrat de prêt est un contrat onéreux ou qu’un index négatif conduisant à un taux d’intérêt négatif est contraire au droit français, ou encore que le contrat ne peut plus être qualifié de prêt puisque l’emprunteur ne remplit plus son obligation de payer les intérêts", explique Maître Gwenaelle Soussens, avocate experte en droit immobilier.

Quasiment plus aucun Français n'emprunte à taux variable

Mais ces seuls arguments ne suffisent pas. Maître Soussens précise, en effet, qu'en "cas de taux négatif l’emprunteur rembourse tout de même le capital emprunté mais se voit verser en compensation une somme d’argent qui vient diminuer le montant net versé à la banque. Mais le capital lui est bien remboursé. En plus même à taux négatif, la banque peut dégager une marge par ailleurs, certes faible, qui lui sert de rémunération".

La différence avec ces pays tient surtout au taux révisable. Actuellement, en 2019, pas moins de 99,97 % des Français empruntent à taux fixe, d'après les chiffres de Crédit Logement. Les banques qui proposent encore des taux révisables le font à des taux dissuasifs conduisant les emprunteurs à privilégier les taux fixes, très attractifs. Pour autant, certaines banques françaises se posent donc la question de réintroduire les taux révisables. Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, explique : "Cette conjoncture de taux négatifs est un vrai enjeu à plusieurs niveaux dans les banques et soulève de nombreuses questions en interne : juridiquement la possibilité de proposer un taux négatif reste floue… Certains services juridiques de banques travaillent sur la question car cet environnement de taux est une situation inédite qui pourrait durer dans le temps. Informatiquement également le problème se pose car les logiciels bancaires ne sont pas en mesure actuellement d’appliquer des taux négatifs… ".

Des taux réels déjà négatifs pour les emprunteurs en France

En attendant, les Français peuvent déjà profiter de taux négatifs... lorsqu'on prend en compte l'inflation. C'est ce qu'on appelle les taux d'intérêt réels. Selon les calculs de BFM Immo (voir notre méthodologie ici), les taux d'intérêt réels (hors assurances) sont tombées à -0,64% en moyenne en France en mai.

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Reste que la situation n'est pas forcément très saine. "Si du point de vue de l’emprunteur on ne peut que se réjouir du niveau actuel des taux, à moyen terme on sent bien que cette situation n’est pas durable : les banques prêtent des montants croissants, sur des durées de plus en plus longues, avec de moins en moins d’apport personnel et à des taux de plus en plus bas… Elles ont de plus en plus de mal à dégager une rentabilité en plaçant leurs liquidités mais doivent continuer à bien rémunérer l’épargne, notamment réglementée… Cette situation est artificiellement favorable, et le retour à la normalité pourrait être très difficile ", analyse Sandrine Allonier.

Diane Lacaze