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Comment la Banque de France rend l'accès au crédit immobilier encore plus difficile pour certains emprunteurs

Le taux d'usure baisse encore

Le taux d'usure baisse encore - Pixabay

Le Haut conseil de stabilité financière a recommandé aux banques françaises de ne pas dépasser 33% d’endettement et limiter la durée des crédits à 25 ans. Indirectement, cela a fait baisser le taux d’usure, ce taux au-delà duquel il est interdit pour un établissement de prêter de l'argent.

Mauvaise nouvelle pour certains emprunteurs, le taux d’usure a baissé. Le taux d'usure "correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu'ils accordent un crédit", selon la définition de Bercy. Et si les banquiers ne respectent pas ce plafond, ils risquent des peines de deux ans d'emprisonnement et une amende de 45.000 euros. C'est la Banque de France qui fixe ce taux, à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit augmentés d’un tiers, chaque trimestre pour le trimestre suivant, et le publie au Journal officiel. Pour le deuxième trimestre, à partir du 1er avril, les taux de l’usure baissent à nouveau. Sur des durées de vingt ans et plus, le taux maximum vient d’être abaissé de 0,10%, après une diminution de 0,16 % au 1er janvier. “Au total, il a baissé de 0,86 % depuis janvier 2017, alors même que les taux nominaux moyens sur 20 ans n’ont reculé que de 0,15 %, soit une quasi-stabilité.

C’est cette réduction de l’écart entre les taux effectivement pratiqués et les taux de l’usure qui conduit à l’exclusion de certains emprunteurs du marché”, déplore le courtier Vousfinancer. Pour les prêts de moins de 10 ans, le taux d’usure est passé de 2,60% au premier trimestre 2020 à 2,41% au deuxième trimestre. Pour les prêts entre 10 et 20 ans, il est passé de 2,51% à 2,40%.

Prêts refusés

En principe, ce taux plafond est favorable au consommateur. Mais avec le risque de remontée des taux, cela peut poser problème. “Il y a un écart de 3 mois entre les taux moyens utilisés pour déterminer l’usure et les conditions proposées par les banques et c’est cela qui pose problème. Ainsi le taux de l’usure des prêts immobiliers a encore baissé pour le 2ème trimestre, de 0,10 % alors que certaines banques augmentent actuellement leurs taux de 0,25 % en moyenne. Pour le moment, le marché du crédit est sur pause, mais au moment de la reprise, si les taux remontent encore, il y a un risque d’effet ciseau et d’exclusion du crédit de beaucoup emprunteurs qui se verront refuser leurs prêts au motif que le taux dépasse celui de l’usure”, explique Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer.

Et si ces taux d’usure ont baissé alors que les taux de crédit amorcent une petite remontée, c’est indirectement à cause des recommandations du Haut conseil de stabilité financière formulées fin décembre aux banques françaises de ne pas dépasser 33 % d’endettement et limiter la durée des crédits à 25 ans. Les banques les ont appliquées strictement dès le mois de janvier. Vousfinancer constate que seuls les meilleurs profils (avec de l’apport et de hauts devenus) qui bénéficiaient des taux les plus bas ont pu emprunter au 1er trimestre, quand les emprunteurs plus modestes et les investisseurs qui traditionnellement ont des taux plus élevés (de 0,10 % en moyenne), ont été pour beaucoup exclus du crédit.

Effet collatéral

“Nous l’avons constaté dès la mi-janvier, les ménages modestes, qui ont la nécessité d’emprunter sur des durées longues pour pouvoir acheter une surface suffisante dans laquelle vivre, ont été les plus impactés par les recommandations. Certains dossiers que nous pouvions financer dans 2 ou 3 banques en 2019 nous ont été refusés”, explique Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. Ainsi 64 % des dossiers refusés en 2020 chez Vousfinancer concernent des emprunteurs avec moins de 25.000 euros de revenus.

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Les investisseurs ont également été touchés car, déjà souvent propriétaires de leur résidence principale avec un crédit en cours, leur endettement dépasse dans la plupart des cas 33% en prenant en compte leur investissement futur. 27% des dossiers refusés en janvier-février 2020 sont des dossiers d’investisseurs, contre 22% en 2019, précise Vousfinancer.“Résultat la baisse des taux d’usure est l’effet collatéral des recommandations du HCSF qui, dans un premier temps, ont exclu certains ménages du crédit, et dans un second temps, entraîne maintenant en raison de ces exclusions, une diminution des taux d’usure - conséquence du fait que seuls les meilleurs profils sont financés - qui va également mécaniquement exclure de potentiels emprunteurs au moment de la reprise du marché”, analyse Sandrine Allonier.

Et Jérôme Robin ajoute: “En outre, on risque s’engouffrer dans un cercle vicieux : comme le taux d’usure est à un niveau historiquement bas, certains dossiers d’emprunteurs ne passeront plus, donc le taux qu’ils auraient dû obtenir n’est pas pris en compte dans le calcul du taux d’usure qui se base donc seulement sur les dossiers acceptés ! Donc le taux d’usure n’augmente pas… C’est pourquoi il met plus de temps à remonter que les barèmes affichés par les banques, qui doivent de ce fait, elles aussi, limiter la hausse des taux, avec un impact sur la rentabilité des prêts qu’elles accordent “.

Diane Lacaze