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Crédit immobilier : les banques auront plus de mal à imposer la domiciliation des revenus

Les banques vont avoir du mal à exiger la domiciliation des revenus

Les banques vont avoir du mal à exiger la domiciliation des revenus - AFP

L'ordonnance qui autorisait les banques à imposer à leurs clients de domicilier leurs revenus chez elles sera bientôt caduque.

C'est une défaite cuisante pour les banques. Dans la nuit de vendredi à samedi, les députés ont voté un amendement au projet de loi Pacte revenant sur l'encadrement de la domiciliation des revenus pour les prêts immobiliers, comme le rapporte ce lundi Le Parisien. Concrètement, les députés ont voté l'annulation de l'ordonnance du 1er juin 2017. Celle-ci autorisait les banques, depuis le 1er janvier 2018, à demander à leurs clients de domicilier leurs revenus chez elles pour une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans, en échange d'un crédit immobilier octroyé à des conditions avantageuses.

A l'époque, sous couvert de limiter la durée maximale de cette domiciliation, cette ordonnance visait en réalité à donner un cadre légal à une pratique largement répandue mais s'appuyant sur des bases juridiques floues. En effet, en cas de contentieux, une clause de domiciliation des revenus incluse dans les prêts immobiliers sans contrepartie précise (taux plus avantageux, réduction de certains frais…) était régulièrement considérée comme abusive.

Faire jouer la concurrence entre banques

Avec le vote de cet amendement, présenté par le rapporteur général du projet de loi Pacte Roland Lescure (LREM) et la députée Coralie Dubost (LREM), c'est donc un retour à la situation qui prévalait avant 2018. Ce sera le cas à partir de l'adoption définitive de la loi Pacte, prévue en juin prochain. "L'ordonnance risquait de créer un éventuel problème de concurrence entre les banques", explique à BFM Lavieimmo Roland Lescure. "Cette obligation de domicilier les revenus doit faire partie de la négociation commerciale. Ce qui est essentiel, c'est que les consommateurs puissent faire jouer la concurrence", ajoute-t-il.

Dit autrement, en théorie, la domiciliation des revenus n'est pas totalement rayée de la carte. Mais elle sera beaucoup plus dure à exiger de la part des banques, qui vont devoir la justifier en précisant ce qu'elle rapporte à ses clients, tout en évitant d'inscrire des clauses abusives. Dans la pratique, il y a donc fort à parier que cette demande reste un simple engagement oral. "La situation sera bien meilleure pour les emprunteurs", juge Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.com. "Dans la pratique, les banques ne pourront plus appliquer une hausse de taux si leurs clients ne respectent pas cette domiciliation. Elles pourront demander à l'oral la domiciliation des revenus, mais peu se risqueront à le faire par écrit", estime-t-elle.

Pour le gouvernement, qui a soutenu le vote de cet amendement, il s'agit d'un volte-face. L'exécutif s'est finalement rangé à l'avis de la présidente du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui dans un rapport publié en février dénonçait "un risque de généralisation de la clause de domiciliation des revenus dans les réseaux bancaires" qui "constituerait un frein à la mobilité bancaire".

Les banques se plaignent de "l'instabilité réglementaire"

Mais il existe une autre raison : la possibilité que la réglementation française soit retoquée par la justice européenne. L'Association française des usagers des banques (l'Afub) avait attaqué en justice le décret du 14 juin 2017 (découlant de l'ordonnance) sur la domiciliation des revenus et demandé son annulation pour "excès de pouvoir". L'association estime que la réglementation française allait à l'encontre de la mobilité bancaire promue par les directives européennes. En décembre dernier, le Conseil d'Etat avait décidé de renvoyer ces questions à la Cour de justice de l'Union européenne, avant de se prononcer.

Les banques, elles, font grise mine. "Nous regrettons l'instabilité réglementaire", souligne la Fédération bancaire française (FBF) dans Le Parisien. Dans un communiqué diffusé fin février après la publication du rapport du CCSF, la FBF avait déjà tenté de défendre sa position : "La concurrence sur le marché du crédit immobilier est très forte et les consommateurs en bénéficient à plein. Il serait donc difficilement compréhensible de provoquer, sans raison apparente, de l'instabilité réglementaire". Cette bataille est désormais perdue... à la plus grande satisfaction des associations défendant les emprunteurs.

Jean Louis Dell'Oro