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Immobilier : Peut-on contrer la hausse des taux ?

Les taux devraient continuer de monter au cours des prochains mois

Les taux devraient continuer de monter au cours des prochains mois - dr

La remontée des taux d’emprunt ne semble pas, à ce jour, avoir eu d’effet notable sur la demande de crédit immobilier. Tentative d’analyse de la résistance du marché du crédit, et des moyens généralement mis en avant par les professionnels pour aider les emprunteurs à contourner les effets de la hausse des taux.

Le pire n’a pas eu lieu. Dans son dernier baromètre mensuel, le Crédit Logement observe qu’« après un début d’année assez calme », le marché a « retrouvé de la vigueur dès février. En mars, l’activité est « restée soutenue », en dépit de la poursuite du mouvement de remontée des taux d’emprunt immobiliers, amorcée en novembre. Un constat largement partagé, mais qui semble difficile à expliquer.

Des taux encore bas

Le premier élément d’explication est que cette remontée, bien que rapide et spectaculaire, laisse les taux d’emprunt à des niveaux encore historiquement bas. En moyenne, un ménage qui souscrit aujourd’hui un emprunt d’une durée de 20 ans obtient un taux de 4,20 %. Soit 0,7 point de plus qu’à la mi-novembre, mais 1,4 point de moins qu’à l’été 2008, quand les taux culminaient au-dessus des 5 %. Mais si cette tentative d’explication semble tomber sous le sens, elle ne satisfait qu’à moitié Maël Bernier, porte-parole du courtier en crédit Empruntis.com. Selon, elle, « comparer des niveaux de taux dans le temps n’a de sens que si on tient compte également du niveau de prix des logements. A Paris et dans les grandes villes de province, où les valeurs ont fortement progressé depuis trois ans , la situation des emprunteurs est certainement beaucoup plus tendue aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2008, même avec des taux significativement plus bas. En revanche, dans les communes où on observe un tassement, voire un début de baisse de prix, la hausse de taux de ces dernières semaines a été plus indolore ». Et pour que l’équation soit complète, il faut également tenir compte du fait que la hausse des prix favorise les secondo-accédants, ceux qui revendent leur logement avant d’en acheter un nouveau, et sont donc moins sensibles aux variations de taux que ceux qui réalisent leur première acquisition.

Des durées plus longues

Ce qui nous amène à la deuxième explication possible : l’allongement des durées, qui tend à se généraliser, notamment chez les plus jeunes. Le baromètre du Crédit Logement montre que 65 % des emprunteurs de moins de 35 ans, ceux « dont la solvabilité est la plus difficile à assurer en raison d’un apport personnel généralement faible », ont souscrit un emprunt de 20 ans ou plus en mars ; ils n’étaient que 60 % en novembre 2010. Un ajustement rapide, qui pourrait se poursuivre à mesure que les taux continueront de remonter. Alain Todini, président du courtier Credixia, rappelle ainsi que les ménages, toutes tranches d’âge confondues, s’endettaient en moyenne sur près de 23 ans en 2008. « Il y a là une marge de manœuvre pour réduire sa mensualité sans pour autant faire exploser le coût de son crédit », estime-t-il. A ceux que les engagements de longue durée font peur, le courtier rappelle que « les emprunts sont rarement menés à terme. Un crédit dure en moyenne sept ans, notamment parce que les emprunteurs, principalement les primo-accédants, revendent leur bien au bout de quelques années pour en acheter un plus grand ». Mais l’argument a ses limites. Chez Empruntis.com, on calcule ainsi qu’un ménage doté d’une capacité de remboursement de 1 000 euros par mois accroît son budget d’environ 5 000 euros s’il accepte de s’endetter sur 21 ans plutôt que sur 20 ans. Le gain est d’environ 20 000 euros si la durée de remboursement est allongée jusqu’à 25 ans. Soit, au niveau actuel des prix, l’équivalent d’un peu moins de 3 mètres carrés de surface supplémentaire à Paris, et 8 mètres carrés en moyenne en province. « L’allongement des durées est une piste, mais il faut savoir qu’elle n’a qu’un effet limité sur le pouvoir d’achat des ménages ». Sans oublier que les banques, appelées le mois dernier par Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, à une gestion plus prudente des risques, pourraient se montrer de plus en plus réticentes à accorder des prêts de longue durée.

Le prêt à taux zéro +

Reste le PTZ+. Le nouveau prêt à taux zéro, mis en place le 1er janvier dans le cadre de la réforme des dispositifs d’aide à l’accession à la propriété, est disponible sans condition de ressources, et ses effets « solvabilisateurs » sont vantés par les pouvoirs publics comme les professionnels. Le mois dernier, le courtier Meilleurtaux.com calculait qu’un couple avec deux enfants disposant d’un revenu annuel de 60 000 euros et d’un apport de 50 000 euros, bénéficiait, s’il s’endette sur 20 ans pour acquérir un bien de performance énergétique moyenne et en zone A, d’un budget total d’environ 315 250 euros, contre un peu moins de 304 500 euros il y a un an. Soit une hausse de plus de 3,5 %, réalisée en dépit de la hausse de taux. Le calcul, repris aujourd’hui par Credixia, laisse Empruntis, décidément à contre-courant, sur sa faim. « Le problème du PTZ+, c’est qu’il a été pensé pour soutenir l’accession dans les zones tendues [où les besoins en logements sont les plus forts, NDLR], tout en privilégiant le neuf, explique Maël Bernier. Dans la mesure où on construit très peu dans les grandes villes, il y a peu de chances que le dispositif tienne effectivement ses promesses et soit aussi « solvabilisateur » qu’annoncé… ».

Risque de blocage

Selon elle, la « vigueur » du marché est avant tout le fait de « ménages qui se dépêchent d’acheter de peur que les taux ne continuent à augmenter… Il n’est pas certain que le mouvement se poursuivra à ce rythme encore longtemps. » Empruntis estime que la hausse des taux devrait se poursuivre au cours des prochains mois, et table sur des taux moyen sur 20 ans à 4,50 % à la fin du premier semestre. « Après, il est difficile de faire des prévisions ». Même son de cloche chez Credixia. Alain Todini, qui exclut a priori tout emballement des taux, estime que le marché pourrait supporter une remontée jusqu’à « la barre des 5 %. Au-delà, le risque de blocage n’est pas exclu… ».

Emmanuel Salbayre