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Immobilier : Quel impact de la hausse des taux ?

40 milliards d'euros de crédits habitat octroyés au 1er trimestre (OPCI)

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Des banques plus prudentes, un courtier guère optimiste et un économiste mesuré… Etat des lieux de la santé du marché du crédit à l’habitat après six mois de hausse des taux d’emprunt immobilier.

Le mouvement de hausse des taux des crédits immobiliers à l’œuvre depuis près de six mois pèse-t-il sur la capacité d’emprunt des ménages français ? Selon la dernière enquête de la Banque de France sur la distribution du crédit, 43 % des banques disent avoir observé une contraction de la demande de prêts à l’habitat au premier trimestre 2011, par rapport aux trois derniers mois de l’année dernière ; un tiers d’entre elles environ estiment que la tendance se poursuivra au deuxième trimestre. Mais si le document constate dans le même temps que près de 13 % des établissements de crédit ont « quelque peu durci » leurs conditions d’octroi depuis le début de l’année (une première en près de deux ans), il n’établit pas de corrélation directe entre les deux constats.

Meilleurtaux.com, lui, n’hésite pas. Le baromètre du courtier en crédits immobiliers montre qu’en moyenne, un ménage qui emprunte 200 000 euros sur quinze ans le fait aujourd’hui à un taux de 4,15 %, contre 4,08 % il y a un mois, 3,65 % en début d’année et 3,50 % à la mi-novembre 2010. Une remontée forte et rapide, donc, qui laisse les taux à un niveau encore « théoriquement très acceptable » mais commence à avoir « un impact sensible » en termes de solvabilité de la demande, explique Christian Camus, directeur général de la société. Celle-ci chiffre 10 % environ la baisse de la demande de crédits immobiliers au premier trimestre 2011, par rapport à la même période de l’année dernière. « Compte tenu du niveau des prix à l’achat, certains dossiers dépassent désormais mécaniquement le seuil des 33 % d’endettement, et ne peuvent ainsi plus être financés », explique-t-elle.

Ajustement par les prix ?

Meilleurtaux constate par ailleurs que la demande, quand elle s’exprime, s’est adaptée au nouveau contexte de marché. Les trois premiers mois de l’année ont ainsi été marqués par une double tendance à la hausse des montants empruntés (« proportionnelle à l’augmentation des prix ») et à l’accroissement de l’apport financier des ménages emprunteurs. L’heure est également à l’allongement des durées de remboursement. En moyenne, les clients du courtier s’endettent aujourd’hui sur 19,1 ans, contre 18,6 ans il y a un an. Un phénomène jugé « inévitable », qui devrait se confirmer au cours des prochains mois, à mesure que les taux continueront d’augmenter. Mais s’il permet à l’heure actuelle de contrer les effets de la hausse des taux, l’allongement des durées « trouvera forcément ses limites », prévient Christian Camus. De même, le recours au nouveau prêt à taux 0 % (PTZ+), mis en place en début d’année pour doper la primo-accession, et dont 47 % des clients de Meilleurtaux ont profité au premier trimestre. Dans ce contexte, le dirigeant prévient que « seul un ajustement par les prix pourra enrayer les risques de grippage du marché ».

Bon et haut

Reste qu’en dépit des craintes des uns et impressions des autres, le volume des crédits accordés ne baisse pas. L’Observatoire de la production de crédits immobiliers (OPCI), dévoilé la semaine dernière, évalue à 40 milliards d’euros le montant des prêts octroyés en France au cours des trois premiers mois de l’année. Soit un quart de plus environ qu’au premier trimestre 2010. Ce résultat est d’autant plus impressionnant que la fin de l’année dernière avait été particulièrement faste, un nombre important de ménages ayant souhaité boucler leur transaction avant la suppression de la déductibilité des intérêt d’emprunt, le 31 décembre. « Le marché du crédit immobilier a montré des hésitations au premier trimestre, on ne peut pas le nier, et s’il en montre encore, pour le moment, il tient bon et haut », commente Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université de Paris X. Sur l’année, l’économiste estime que 155 à 160 milliards d’euros de crédits pourraient être accordés, soit un niveau pas très éloigné des 168,57 milliards de l’exercice 2010.

Emmanuel Salbayre