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Les banques, responsables de la hausse des prix immobiliers ?

La concurrence entre les banques aurait indirectement soutenu les prix

La concurrence entre les banques aurait indirectement soutenu les prix - dr

Et si les banques avaient entretenu la flambée des prix de l’immobilier ? La piste pourrait paraître saugrenue si elle n’avait pas été soulevée par le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, lui-même.

Dans un discours prononcé à l’occasion de la présentation du premier rapport annuel de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qu’il dirige depuis sa création, M. Noyer a abordé mardi la question de la « forte hausse des prix » sur le marché de l’immobilier, notamment résidentiel.

Une hausse « à laquelle, au-delà des déséquilibres entre l’offre et la demande de logements, des taux de crédit particulièrement bas ne sont pas étrangers », a-t-il estimé. En clair, si les banques ne peuvent pas être tenues responsables du manque de logements disponibles qui tire mécaniquement les prix vers le haut, on peut leur reprocher d’avoir alimenté le phénomène en rognant sur leurs marges pour pratiquer des barèmes très, voire trop compétitifs. Après plusieurs mois de baisse, les taux des crédits immobiliers ont touché en novembre 2010 leur niveau le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (3,22 % en moyenne en novembre, hors assurance et coût des sûretés, selon le Crédit Logement). Et s’ils sont remonté depuis, ils se maintiennent encore à des niveaux historiquement bas. A ce jour, l’ACP n’a pas jugé utile d’émettre de recommandations en matière de marges. Selon le quotidien Les Echos, elle pourrait cependant le faire « en cas de besoin ».

Monétaire vs réel

Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université de Paris X, reconnaît que la question soulevée par Christian Noyer « mérite d’être posée, à condition que ce soit dans une équation plus globale ». L’économiste rappelle que le secteur bancaire français est très concurrentiel, ce qui se traduit par des conditions de crédit - notamment en termes de taux d’emprunt - parmi les plus favorables d’Europe. « On peut s’en plaindre, mais il ne faut pas oublier que c’est précisément cela qui a permis aux établissements de crédit du pays de résister à la crise tout en augmentant très rapidement et de manière très nette leur production de crédit, participant par là même activement à la reprise de la croissance économique ».

Concernant les « déséquilibres entre l’offre et la demande » évoqués par le président de l’ACP, le professeur Mouillart rappelle que le manque de logements en France est actuellement évalué à 900 000 unités environ. « Pour réduire ce déficit, il faut construire massivement. Des logements destinés au marché locatif, bien sûr, mais aussi et surtout à l’accession à la propriété. Et cette accession ne doit pas être réservée aux seuls ménages aisés », poursuit-il. L’économiste, qui note par ailleurs que 85 à 90 % des prêts immobiliers accordés chaque année servent à financer des opérations d’accession à la propriété (par opposition à des achats de résidence secondaire ou des opérations d’investissement locatif), estime que « stigmatiser les taux bas comme semble le faire M. Noyer revient à compromettre l’accès au crédit des ménages les plus modestes. Et donc à limiter la construction de logements, dont le déficit entretient la hausse des prix... Il faut savoir faire la différence entre le monétaire pur et le réel », conclut-il.

Emmanuel Salbayre