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Les taux des crédits immobiliers remontent nettement, les refus de prêts aussi

Les taux remontent

Les taux remontent - Edar - pixabay

En mai, le taux moyen s’est établi à 1,25%. En avril, il était à 1,18%. Certains ménages risquent de se retrouver exclus du crédit.

Les taux immobiliers ont très nettement progressé en mai. Alors qu’ils s’établissaient à 1,18% en moyenne en avril, ils ont atteint 1,25% le mois dernier, selon l’étude mensuelle du Crédit Logement/CSA, qui associe les principales banques françaises à un institut d'études de marché. Dans le détail, le taux moyen à 15 ans est à 1,07%, celui à 20 ans à 1,26% et celui à 25 ans à 1,51%.

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Ce bond est une "réponse à la montée des risques et de l'incertitude sur les évolutions macroéconomiques et financières à venir", souligne l'observatoire dans un communiqué. Autrement dit, les banques prennent moins de risques au moment où s'installe une crise économique probablement historique, le gouvernement tablant désormais sur une récession de 11% cette année. D'autant que les établissements de crédit sont invités depuis plusieurs mois par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) à limiter leurs prêts. Les autorités leur recommandent ainsi de ne pas dépasser des durées de crédit de 25 ans et de ne pas accepter de dossiers dans lesquels les remboursements représenteraient plus de 33% des revenus du ménage. Ce qui pousse hors du marché certains ménages.

"La remontée des taux de crédits et la poursuite des hausses des prix des logements ont (...) été partiellement compensées par l'allongement des durées", note l'observatoire. La durée moyenne des prêts immobiliers s'est établi à 230 mois en mai, soit un peu plus de 19 ans, et continue à s'inscrire à des niveaux historiques. L'ensemble de ces chiffres doit être relativisé par le fait qu'ils proviennent d'un niveau d'activité très réduit à la suite de la crise et des mesures de confinement décrétées face au coronavirus. Même si le confinement a été levé le 11 mai, le nombre de nouveaux prêts immobiliers a chuté de quelque 40% sur tout le mois par rapport à un an plus tôt.

Des refus de prêts qui augmentent

Plusieurs courtiers en crédit, ainsi que les notaires, se sont déjà inquiétés ces dernières semaines de voir l'attitude des banques se durcir. Ils y voient un risque pour l'activité du marché immobilier et les capacités d'achat des ménages les moins fortunés, d'autant que les prix n'interrompent pas leur hausse.

Vousfinancer s’inquiète également du taux d’usure. Si le nombre de refus de prêt est stable par rapport à 2019, Vousfinancer constate une hausse relative des refus, passés de 5,4 % à 6,6 % des dossiers en un an sur les 5 premiers mois de l’année, qui pourrait encore s'accroître si les taux poursuivent leur remontée.

Effet de ciseau avec le taux d'usure

Comme l'explique Bercy, le taux d'usure ou TAEG (taux annuel effectif global) "correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu'ils accordent un crédit". C'est la Banque de France qui fixe ce taux, à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit augmentés d’un tiers, chaque trimestre pour le trimestre suivant et le publie au Journal officiel.

Le niveau des taux d'usure a baissé en avril (pour atteindre 2,51% sur 20 ans) alors même que les banques ont remonté leur taux de 0,30 point en moyenne en avril et les ont remonté en mai. Résultat, cela provoque un effet ciseau qui exclut les emprunteurs modestes qui se voient proposer des taux moins attractifs. “Si les taux moyens sont de 1,25% toute durée confondue, certains emprunteurs avec moins de 40.000 euros de revenus obtiennent plutôt des taux proches de 2% sur 25 ans. En ajoutant l’assurance de prêt, les frais de garantie et de dossiers, le TAEG - taux annuel effectif global - dépasse alors le taux d’usure qui est de 2,51% et le dossier est alors refusé”, explique Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

Concentration des offres sur les meilleurs profils

Une agence Vousfinancer vient ainsi de recevoir un refus de prêt pour un dossier qui aurait pu être financé sans problème en début d’année, pour un couple avec 85.000 euros de revenus. Le couple, de 42 et 41 ans, est marié avec deux enfants. Ils sont ingénieur et assistante RH. Ils ont 15.000 euros d’épargne. Leur projet est d’acheter de leur résidence principale à 360.000 euros. Le taux d’endettement à 25%. Le taux proposé avant le confinement était de 1,65% sur 25 ans (TAEG : 2,42%) mais il passé à 2,10 % mi-mai (TAEG : 2,86%). Le TAEG étant supérieur au taux d’usure (2,51%), la banque a refusé leur dossier.

“La baisse des taux d’usure dans un contexte de remontée des taux de crédit est un problème majeur. C’est l’effet collatéral des recommandations du HCSF qui ont conduit les banques à privilégier les meilleurs profils. On s’engouffre actuellement dans un cercle vicieux: comme le taux d’usure est à un niveau historiquement bas, certains dossiers d’emprunteurs ne passent plus, donc le taux qu’ils auraient dû obtenir n’est pas pris en compte dans le calcul du taux d’usure du trimestre suivant qui se base donc seulement sur les dossiers acceptés ! Donc le taux d’usure augmente plus lentement que les barèmes affichés par les banques, qui doivent de ce fait, elles aussi, limiter la hausse des taux, avec un impact sur la rentabilité des prêts qu’elles accordent”, analyse Sandrine Allonier.

Selon elle, “la reprise du marché ne pourra être solide et durable que si les recommandations sont assouplies, au moins temporairement et le calcul du taux d’usure revu afin d’être plus proche de la réalité du marché et des exigences en matière de rentabilité qui pèsent actuellement sur les banques”.

Diane Lacaze